L’épinette est un conifère, c’est-à-dire un arbre qui fabrique des cônes. Parmi cette jungle, il est parfois difficile de se repérer. Grosso modo, on distingue trois grands groupes : les pins, les sapins (dont les cônes pointent vers le haut) et les épicéas (dont les cônes pointent vers le bas). L’épinette noire, parfois surnommée sapinette, comme s’il s’agissait d’un sapin de taille réduite – est une sorte d’épicéa typique du continent nord-américain, le nord du nord si je puis dire, puisque son aire de répartition se situe au Canada et à l’Alaska, ainsi qu’au Québec. Chose remarquable, cette épinette est dite « noire » en raison de la couleur de son écorce au gris-brun très prononcé, mais, dans le même temps, elle abrite un bois presque blanc. L’épinette joue dans les extrêmes. Par sa petite taille et sa vitalité, c’est l’un des principaux épicéas à même de résister à la rudesse du froid septentrional. Elle pousse dans des terres plutôt sablonneuses, où l’humus est abondant, un sol où la matière organique n’est quasiment pas décomposée ; une tourbière en somme.
Bien avant que l’épinette noire nous parvienne sous la forme d’huile essentielle, elle était employée en médecine traditionnelle par les peuples autochtones du nord de l’Amérique. Les Amérindiens utilisaient tant les aiguilles que les cônes. Les Abénakis procédaient à des décoctions de cônes, lesquelles avaient pour vertu de lutter contre les infections urinaires. Les aiguilles permettaient de venir à bout de douleurs et de refroidissement. De plus, elles étaient un bon moyen de prévenir le scorbut. La résine, souvent mâchée comme fortifiant, entrait dans la composition de baumes contre plaies et brûlures. Antiseptique, l’épinette assainit les voies respiratoires. Comme nous le constaterons plus loin, ces usages se retrouvent aujourd’hui dans l’emploi thérapeutique qui est fait de l’huile essentielle d’épinette noire.
Plante sacrée et médicinale, l’épinette faisait aussi partie des plantes dites « utilitaires ». Les Amérindiens du Québec fabriquaient des canots à base de bois de cèdre et de bouleau, liés ensemble par des racines d’épinette qui jouaient le rôle de fil de couture. Puis on assurait l’étanchéité de l’embarcation grâce à la résine du même arbre.
Plus près de nous (géographiquement parlant), Hildegarde de Bingen nous parle de l’épicéa dans son Livre des subtilités des créatures divines (p. 70) : « Si une épidémie attaque les troupeaux et les ravage, on placera devant eux des branches toutes fraîches, pour qu’ils en respirent l’odeur ; ou bien on conduira les troupeaux sous ces arbres ; ils se mettent alors à tousser et à évacuer les pourritures. » Bien qu’elle fasse de l’épicéa un usage vétérinaire il est pertinent de remarquer qu’elle place en exergue l’une des propriétés de l’épinette. Expectorante, celle-ci permet de dégager les bronches des mucosités qui les encombrent.
De la même façon que l’eucalyptus globuleux n’est pas l’unique eucalyptus employé en aromathérapie, il existe d’autres épinettes : la blanche (Picea alba), la rouge (Picea rubens) et la bleue (Picea pungens). Elles sont toutes trois très proches dans leurs propriétés et usages de l’épinette noire, bien qu’il soit notable que la bleue et la rouge présentent un pouvoir antalgique supérieur.
L’épinette noire en aromathérapie
1. Huile essentielle d’épinette noire : description et composition
Comme on le fait du petit grain bigarade, on utilise les rameaux d’épinette couverts d’aiguilles et de cônes lors de la distillation. On obtient un liquide légèrement ambré dont certains disent que son odeur est fortement résineuse. Cet adverbe est tout à fait excessif puisque, bien que l’épinette soit un conifère, on ne retrouve pas dans l’odeur de son huile essentielle le caractère pugnace de certains pins et sapins. Au contraire, l’huile essentielle d’épinette, bien que fraîche et balsamique, offre davantage de verdeur et de clarté que ses cousins.
D’un point de vue moléculaire, on trouve dans cette huile essentielle surtout des monoterpènes (50 %) ainsi que des esters (35 %) dont une molécule en particulier, l’acétate de bornyle. En effectuant quelques recherches complémentaires à son sujet, j’ai découvert que cette molécule était présente dans les huiles essentielles suivantes :
- épinette noire : 30 %
- sapin de Sibérie : 30 %
- sapin pectiné : 5 à 10 %
- pin sylvestre : 1 à 10 %
- thym à feuilles de sarriette : 1 à 5 %
- lentisque pistachier : 1 à 2 %
Très étonnamment, on constate que les espèces septentrionales sont plus chargées en acétate de bornyle que les plantes poussant à des latitudes plus basses. Cela peut-il faire de l’acétate de bornyle une molécule « nordique » ?
2. Propriétés thérapeutiques
- Anti-infectieuse (antifongique, antibactérienne), antiparasitaire, antiseptique atmosphérique
- Positivante, tonique générale, neurotrope, neurotonique
- Antalgique locale, anti-inflammatoire
- Antitussive, expectorante, décongestionnante pulmonaire
- Stimulante hormonale (cortico-surrénales, gonades, thyroïde)
- Antispasmodique
3. Usages thérapeutiques
- Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, rhinite, sinusite, toux
- Troubles articulaires, musculaires et rhumatismaux : douleurs articulaires, musculaires et rhumatismales, arthrose
- Affections fongiques, bactériennes et parasitaires : mycoses cutanées, intestinales et gynécologique, entérites mycosiques et parasitaires, parasitoses cutanées et intestinales, acné
- Fatigue physique et intellectuelle, apathie, asthénie, épuisement, surmenage, coup de pompe, burn out, déprime, dépression (aussi est-elle fort utile en cas de dépréciation de soi, de timidité, d’indécision, d’hésitation, voire de procrastination)
- Immunité faible
- Psoriasis, eczéma sec
- Prostatite
- Hypothyroïdie
- Élimination de la cortisone
4. Modes d’emploi
- Voie cutanée diluée
- Olfaction, inhalation, diffusion
- Voie orale
5. Contre-indications
- Attention au caractère dermocaustique de cette huile essentielle. Elle peut être irritante pour certaines peaux fragiles lorsqu’elle est employée pure.
- On évitera l’emploi de cette huile essentielle chez la femme enceinte ainsi que chez l’enfant de moins de six ans.
© Books of Dante – 2014