
En Suisse, en Autriche et en Bavière, l’edelweiss est tellement partout présent qu’il en absorbe les autres fleurs, même si l’on voit la gentiane de Koch et le rhododendron lui disputer quelquefois cette place hégémonique. Le caractère (presque) universel dans lequel il est drapé a facilité son accession au statut de fleur nationale dont l’allure logotypée, à l’instar de celle du lis et de la rose, est parfaitement reconnaissable. Il doit être dit que cette fleur bénéficie d’un champ symbolique bien plus large qu’elle, astéracée à la soyeuse « robe de flanelle », à commencer par son nom, edelweiss renvoyant à la noblesse et à la blancheur, probablement celles des hautes cimes, ces neiges éternelles qu’un mythe tenace voudrait en faire l’habitat favori de cette plante qui, contrairement à ce qu’on imagine, ne vit pas les pieds dans la neige, mais bien en-dessous de l’étage enneigé. Cependant, toute immortelle qu’elle est, elle a tout de suite bien moins belle allure une fois qu’elle se retrouve aplatie puis collée sur des cartes-postales attrape-poussières du plus mauvais goût ! Mauvaise langue ! Que ne considères-tu pas sa blanche et claire pureté, synonyme d’une nature vierge et indemne de toutes souillures ?! Il n’empêche qu’il est très surprenant qu’une plante puisse s’imposer non plus en tant que telle, mais comme symbole dont l’hyperpuissance se retrouve partout en Suisse, du service bancaire à l’hôtellerie. Elle est tant auréolée de qualités que, à la manière d’une bonne marraine, elle semble dispenser avec largesse ses bénédictions. Ainsi ne doute-t-on pas un instant que les efforts fournis pour en cueillir ne serait-ce qu’un seul vaut à son ramasseur une protection intégrale quasi divine face à toutes malchances et calamités.
© Books of Dante – 2023