La chélidoine (Chelidonium majus)

Synonymes : herbe aux verrues, herbe aux cors, herbe d’hirondelle, éclaire, grande éclaire, herbe de sainte Claire, herbe du claire, claire, clariana, clareto, aquilaire, celandine, felougne, felougère, felonge, felonque, lait de sorcière, herbe du bouc, sologne, jaunisse.


« Véritable panacée capable de ramener la santé, la vie et la jeunesse aux vieillards les plus débiles et même aux moribonds »1, la chélidoine ne manque effectivement pas d’attraits, même si ce portrait peut nous paraître bien emphatique. Mais il est difficile de concevoir une phrase comportant le mot panacée sans qu’on imagine des étincelles dans les yeux de celui qui la prononce. Ils n’ont pas tous été ainsi, nos auteurs, qu’ils appartiennent à l’Antiquité, au Moyen âge ou à la Renaissance, mais c’est vrai qu’en l’espace d’un peu plus de quinze siècles, ils surent abonder dans le sens (le bon !) de la chélidoine.

Entamons donc cette compilation en faveur de la chélidoine par le plus ancien des médecins ayant fait parler d’elle, Dioscoride. En effet, ce médecin grec accordait une juste place à la grande chélidoine, juste devant la petite, dans le second livre de la Materia medica, en décrivant son suc, « qu’elle a […] jaune, âcre, mordant, quelque peu amer et de forte odeur »2. Il alla même jusqu’à indiquer la forme des siliques de la chélidoine, c’est-à-dire des fruits allongés comme des haricots renfermant des graines un peu plus grandes que celles du pavot, cousin de la chélidoine. En quoi donc cette plante intéressait-elle Dioscoride ? Eh bien, tout d’abord, de par sa capacité à endiguer la jaunisse (en faisant infuser sa racine dans le vin), à déterger les ulcères et à calmer les douleurs dentaires. Mais ce qui surprend le plus dans l’exposé de Dioscoride, c’est la soi-disant capacité du suc de chélidoine d’éclaircir la vue, une fois qu’on l’a cuit dans du miel après l’avoir exprimé des racines, des feuilles et des tiges au tout début de l’été (au début de la saison « claire » ?). Puis vient le travail de Serenus Sammonicus chez lequel on voit l’action de la chélidoine être concentrée, pour une grande part, sur des maux affectant la tête : maux de tête causés par l’ardeur du soleil, maux auriculaires, oculaires et dentaires. Mais pas que, puisqu’il invitait aussi la chélidoine à lutter contre brûlure et « feu sacré », podagre, douleurs lombaires et toutes autres douleurs surgissant subitement. Bien plus tard, aux temps médiévaux, rien de neuf avec Macer Floridus (qui reprend intégralement les dires de Pline et de Dioscoride), tandis que la chélidoine est exposée par l’école de Salerne (Platearius), Albert le Grand, Raymond Lulle, ainsi que Hildegarde de Bingen qui, bien consciente que son suc est poison à l’intérieur se passait bien d’en faire usage, à l’exception d’un onguent destiné à frictionner les ulcères cutanés (même si cela fait partie du domaine de compétence effectif de la chélidoine, cela demeure bien maigre). Enfin, on retrouve confinée la chélidoine dans ce compendium des savoirs et de la médecine populaire que fut le Hortus sanitatis, en toute fin de XVe siècle. Après ça, ce ne fut pas moins qu’au tour de Paracelse et de Van Helmont de faire savoir au monde ce qu’ils pensaient de cette plante. Cependant, parmi cette foule de données accumulées au fil des siècles, se dégage la désagréable sensation d’un « déjà-vu », en particulier à travers ce que nous raconte Tabernaemontanus de la chélidoine : il indiquait que cette plante est cholérétique et qu’elle s’utilise dans les affections hépatiques comme l’ictère, qu’en décoction elle permet de laver les plaies, même ulcérées, grâce à ses propriétés détersives. Cela ne vous rappelle rien ? Ça sent le copier-coller à plein nez, ne trouvez-vous pas ? A sa décharge, remarquons qu’il signalait, au sujet de la chélidoine, de possibles activités anticancéreuses. Mais qu’en est-il exactement ? Bien longtemps après cette première signalisation, on procéda à des injections hypodermiques d’extrait de chélidoine, après quoi il fut constaté que cela améliorait grandement le traitement des néoplasmes cancéreux. En ce qui concerne le cancer gastrique, la chélidoine passe pour diminuer considérablement les douleurs et apporter un soulagement loin d’être négligeable. En 1896, Denissenko, médecin russe, eut l’idée d’utiliser du suc de chélidoine contre certaines formes de tumeurs cancéreuses. Cela eut pour effet de restreindre temporairement l’extension des néoplasmes, de faire cesser les hémorragies et d’atténuer la fétidité des sécrétions. Plus tard, le docteur Leclerc indiquera que la chélidoine – bien loin de guérir à elle seule le cancer – en retarde « seulement » la propagation. Cependant, « on s’étonne […] que l’expérience clinique de cette action […] n’ait pas été poursuivie, compte tenu de ce qu’affirmaient les Anciens et des vertus particulières de la chélidoine, notamment son action résolutive sur les verrues qui sont, en fait, des épithéliomes bénins dont la nature peut toujours dégénérer »3, d’où l’appellation d’herbe aux verrues qu’on lui accorde communément (on appliquait son suc la nuit, car, selon certains, c’est à ce moment que grossissent les verrues…). A ce titre, il est dommage qu’aujourd’hui elle en soit réduite à une spécificité que lui concède ce surnom vernaculaire, d’entre tous le plus connu. Le plus ironique, c’est que l’unique raison qui fait qu’on aborde encore la chélidoine dans un traité de phytothérapie moderne, est révoquée en doute par Cazin qui achevait, en trois lignes, la monographie qu’il consacra à cette plante : « Son action, trop faible pour cela, est assez forte pour enflammer les parties voisines et augmenter le mal au lieu de le détruire »4.

Eh bien, flûte et zut ! Que reste-t-il donc à la chélidoine si on lui enlève ce que d’aucuns considèrent comme son unique raison de vivre ? On peut, à la rigueur, vanter sa réputation d’herbe sorcière qui lui valut le sobriquet de lait des sorcières, mais je n’ai pas très envie de patauger dans la fange de la sorcellerie crade, bête et méchante. Tout au contraire, élevons-nous un peu !

Avez-vous remarqué la ribambelle de synonymes de la chélidoine qui font référence à l’idée plus ou moins explicite de clarté ? Eh bien, je m’en vais vous expliquer en quoi elles sont en relation avec l’usuelle « herbe aux hirondelles ». Tout d’abord, si je vous dis que khelidôn signifie « hirondelle » en grec, ça devrait éclairer d’autant plus votre lanterne que le nom de la plante est chélidonion, entretenant par là une proximité linguistique qui allait unir de fait l’animal à la plante par le biais d’une relation de sympathie, chose courante aux temps antiques, et que l’on plaçait en écho avec une partie du corps vis-à-vis de laquelle le tandem animal/plante était censé agir. A cela, on apporta deux explications : tout d’abord, la chélidoine débute sa floraison à l’arrivée des hirondelles, trouve son apex au moment de la célébration de Pâques et commence à décliner (ses fleurs) au moment du départ des mêmes oiseaux. C’est un animal céleste et solaire que l’hirondelle. Peut-elle rester trop longtemps dans l’obscurité, elle qui est censée annoncer le printemps aux hommes, autrement dit le retour de l’astre diurne grandissant ? En tant que « joyeuse introductrice du printemps »5, l’hirondelle représente un excellent augure, au point qu’il est sacrilège de la tuer ou de détruire son nid toujours situé à proximité des hommes, tout comme la chélidoine, espèce dite anthropophile pour cela. Non seulement « le soleil épouse le printemps, la terre verdoyante et fleurie, au moment où les hirondelles arrivent et commencent à chanter »6, mais cet oiseau possède « le privilège de la porte ouverte aux granges et aux étables, si ce n’est de la fenêtre accueillante à ses passages affairés »7, car il est bien connu que toute hirondelle qui entre dans une maison y apporte la joie et la félicité. Pour cela, l’hirondelle est un véritable don du ciel, de même que la chélidoine qui se trouve en sympathie avec elle : ainsi cette dernière devint-elle, aux yeux de quelques alchimistes, un caeli donum, qu’ils trouvèrent judicieux de calquer sur le mot latin chelidonium : en raison de la couleur jaune du latex contenu dans sa racine, la chélidoine était considérée comme la plante à même d’ouvrir les regards jusqu’à la découverte de la pierre philosophale, car « comme don du ciel, elle devait nécessairement faire des miracles »8. En tous les cas, il est clair que durant très longtemps la chélidoine eut un rapport très étroit avec la question de l’acuité de la vision. A ce titre, on la voit même sculptée (sa feuille essentiellement) en certains endroits des églises comme les chapiteaux, par exemple, afin, dit-on, d’attirer le regard des croyants sur leur propre foi. Mais, par-dessus tout, « les propriétés accordées à la chélidoine pour guérir les affections des yeux auraient été découvertes en observant la vie des hirondelles, auxquelles on attribuait une vue particulièrement perçante »9. En effet, selon une légende tenace souvent répétée mais jamais expliquée, « la mère hirondelle versait du suc jaune de cette plante sur les yeux blessés de son petit pour lui redonner la vue »10 ou bien pour aider les petits hirondeaux à ouvrir les yeux sur le monde. Quant à la mère elle-même, elle en absorbe également afin de conserver à sa vue tout son caractère aiguisé, car vue trouble ne saurait voir clair. D’où le nom d’éclaire que porte couramment cette plante. Tout cela est fort séduisant, quand bien même il importe de conserver à l’esprit que « ce type de croyance repose sur des considérations nées de l’observation, de l’expérience, mais aussi de la pure imagination »11, ce à quoi l’on s’oblige à faire appel en ce qui concerne cette aptitude de l’hirondelle à soigner les yeux grâce au suc de chélidoine, acte d’auto-soin dont, finalement, on ignore s’il est réel ou fantasque. Il servirait, du moins, à consolider la « démonstration » de la proximité existante entre la chélidoine et l’hirondelle. C’est le même type de procédé dont on usa pour argumenter dans le sens qui voudrait que la chélidoine porte, beaucoup plus rarement il est vrai, le surnom d’aquilaire, en relation avec l’aigle, parce que cette plante vient au monde à l’époque où cet oiseau majestueux façonne son aire (l’aigle possédant une vue très perçante, on comprendra aisément l’allusion…). Mais « chélidoine », dans son acception ancienne, était aussi le mot par lequel on désignait, autrefois, une foule de plantes dont la caractéristique commune (et parfois unique) était de fleurir au moment de la survenue printanière de ces oiseaux de ciel et de feu.


Papavéracée au même titre que le pétillant et pétulant coquelicot, la chélidoine est une plante très fréquente où qu’on pose le regard, de la plaine jusqu’à la moyenne montagne (1300 m d’altitude maximum), à la seule condition qu’elle se situe à portée de main de l’homme : en effet, cette espèce anthropophile est (presque) toujours fourrée à proximité des habitations et de bon nombre de lieux fréquentés par l’homme (murailles, vieux murs, ruines, éboulis, décombres, décharges, dépotoirs) et tout autre lieu inculte (bois clair et humide, ripisylve, haie broussailleuse ; très récemment, je l’ai vue dans une coupe de bois, non pas qu’il s’agisse là d’un lieu habituellement fréquenté, mais parce que la présence humaine y est suffisamment régulière pour être plaisante à la chélidoine). Dans tous ces lieux, on aura toutes les chances de croiser cette plante vivace à épaisse racine fusiforme de couleur brun rougeâtre qui contraste, par sa robustesse, avec des tiges droites, ramifiées, assez molles et cassantes. Cette fragilité relative n’empêche pas la chélidoine de former, surtout chez les plus vigoureux sujets, des masses buissonneuses de près de 80 cm de hauteur. Ses feuilles, qui font un peu penser à celle de l’ancolie, sont découpées en trois à sept segments mous et dentés, d’une couleur qui peut parfois virer au bleu vert glauque (ce qui ne veut pas forcément dire louche ^.^). Des ombellules de fleurs jaunes de 15 à 25 mm de diamètre, à quatre pétales disposés en croix, surgissent dès le mois d’avril et deviennent rapidement caduques : cela importe peu, puisque la floraison de la chélidoine s’étale au moins jusqu’à la fin du mois de septembre, ce qui lui laisse largement le temps de former des fruits assez semblables aux siliques des Brassicacées, contenant profusion de petites graines noirâtres munies d’un élaïosome blanc, que les fourmis se font un plaisir d’emporter avec elles, assurant la dispersion de la plante. Voici ainsi expliqué le mystère de la chélidoine perchée sur un mur ^.^


La chélidoine en phytothérapie

Bien qu’extrêmement courante un peu partout en France (sauf dans les zones les plus reculées et désertiques), on ne peut pas dire que ses usages thérapeutiques le soient autant, du moins à l’heure actuelle. Bien souvent, c’est tout juste si l’on se contente de mentionner les excellents services qu’elle rend face aux verrues, sans plus.

De la chélidoine, on emploie autant les feuilles (plus largement, les parties aériennes vertes) et les racines qui sont regardées généralement comme plus actives que les précédentes. Il semblerait encore que le lieu dans lequel la chélidoine est cueillie influerait bénéfiquement sur son activité thérapeutique : c’est ainsi que François-Joseph Cazin préconisait de s’adresser prioritairement à la chélidoine ramassée sur les vieux murs, plutôt que celle ayant crû en des zones où on la voit devenir grasse de verdeur.

Si l’on brise une tige de chélidoine ou que l’on rompe une de ses racines, l’on voit rapidement sourdre un liquide d’apparence laiteuse de couleur jaune orangé, qu’il est plus convenable d’appeler par son nom : il s’agit d’un latex (du même type que ceux du pissenlit, de la laitue, du figuier et de ces autres papavéracées que sont coquelicot et pavot). De saveur très amère et âcre, ce suc répand aussi une odeur fort désagréable, et comme il est présent à l’ensemble de la plante, il lui confère une identité olfactive qu’un de ses surnoms a repérée : herbe au bouc, à l’odeur intense à l’état frais (on lui a encore trouvé l’odeur des « œufs couvés », de la « moisissure septique », etc.), mais qui s’éteint totalement une fois la plante desséchée, vu que ce latex sèche lui aussi et que, de jaune orangé, il vire au brun, devenant par la même occasion très difficilement soluble dans l’eau. Dès le Moyen âge, ce latex fut comparé à la bile, c’est pourquoi on classa la chélidoine parmi les plantes soignant les affections hépatiques, en vertu de la théorie des signatures. On verra plus loin à quel point les Anciens eurent raison.


Conformément à sa famille botanique, la chélidoine contient une vingtaine d’alcaloïdes différents (chélidonine, homochélidonines A, B et C, protopine, sanguinarine, chélérythrine, coptisine, allocryptonine, berbérine, etc.) dont les proportions varient selon si on utilise parties aériennes ou souterraines, mais également en fonction des localités et de l’exposition, d’une année sur l’autre… Cela n’est pas sans poser un relatif problème en phytothérapie car il est difficile d’évaluer, au moment où on la cueille, la composition exacte de la plante. Mais là n’est pas tout : ces alcaloïdes ne représentent jamais qu’1 % de la masse de la plante. Tout à côté, l’on trouve bien d’autres substances dont la chélidoxanthine, pigment de couleur jaune, de l’acide chélidonique, de l’acide malique, des matières pectiques, résineuses et mucilagineuses, de l’albumine, une essence aromatique, des sels minéraux (silice, potassium, calcium, magnésium), etc.

Propriétés thérapeutiques

  • Stimulante et sédative hépatique, sédative vésiculaire, cholérétique, cholagogue
  • Dépurative, diurétique, sudorifique
  • Purgative, laxative, vermifuge, antispasmodique et relaxante des muscles lisses de l’estomac et des intestins
  • Anti-inflammatoire, analgésique
  • Relaxante musculaire bronchique, antispasmodique des muscles lisses des bronches
  • Hypotensive
  • Immunostimulante (?)
  • Caustique, détersive, rubéfiante, vésicante, anti-dartreuse, coricide, vulnéraire
  • Fortifiante ophtalmique

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : ictère, ictère chronique, insuffisance biliaire, engorgement de la vésicule, douleur vésiculaire, lithiase biliaire, hépatite chronique et aiguë, toute autre inflammation chronique du foie
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, catarrhe intestinal, hypertonie gastrique, spasmes gastro-intestinaux, crampe digestive, parasites intestinaux, cancer gastrique (réduction des douleurs, de l’effusion hémorragique, de la fétidité des sécrétions ; semble également en retarder la propagation)
  • Troubles de la sphère respiratoire : asthme, bronchite, coqueluche, catarrhe bronchique
  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : hypertension, angor, artériosclérose, engorgement lymphatique, adénite vésicale
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : ascite, hydropisie, goutte, rhumatisme
  • Affections oculaires : ophtalmie chronique, blépharite, conjonctivite, taie de la cornée, ptérygion, cataracte, ulcère des paupières
  • Affections cutanées : plaie purulente, plaie ulcérée, ulcère (putride, sordide, atonique, scorbutique), verrue, cor, durillon, dartre, teigne, poireau, panaris, abcès, papillome, tumeur cutanée (néoplasme), eczéma humide, psoriasis, toute autre maladie de peau chronique même grave, piqûre d’insecte, morsure de serpent

Modes d’emploi

L’auto-médication en phytothérapie étant parfois hasardeuse, elle l’est d’autant avec une plante comme la chélidoine dont nous avons plus haut révélé l’inconstance et le manque de fidélité. En ce cas, mieux vaut, en effet, se tourner vers des extraits standardisés comme ceux qu’offre l’homéopathie, meilleure manière, sans doute, de tirer un maximum de profits de la chélidoine sans ses inconvénients qui peuvent être réels et pénibles. L’on pourrait aussi penser à la teinture-mère, mais il est évident que le produit de la macération alcoolique de chélidoine fraîche, ne dépend pas que de la qualité et de la quantité de l’alcool employé, de son titre, de la durée de macération, etc., mais essentiellement de la chélidoine elle-même, c’est-à-dire, pour reprendre Cazin, du choix opéré pour ce faire : s’agit-il d’une plante récoltée au pied d’un mur ou en plein sur un talus où elle n’est vraisemblablement pas exposée aux mêmes bénéfiques effluves ? On comprend que tout cela puisse renforcer la défiance vis-à-vis de cette plante qui, dans des conditions d’utilisation optimales et non risquées, est capable d’offrir beaucoup au phytothérapeute.

Nous allons tout de même faire l’effort de recenser les principaux modes d’emploi de la chélidoine, tant par voie interne qu’externe, en particulier ceux qui nous paraissent être les plus réalisables.

  • Infusion de feuilles. Fraîches ou sèches ? Dans les deux cas, elles présentent avantages et inconvénients. Fraîches, elles sont plus actives mais également plus délicates à manier, affublées qui plus est d’un goût âcre peu agréable. Sèches, la toxicité s’amoindrit, l’activité aussi, mais on observe une déperdition de l’amertume, ce qui n’est pas rien. On compte généralement 10 à 15 g de feuilles fraîches en infusion dans un litre d’eau pendant dix minutes.
  • Décoction de feuilles fraîches : comptez 10 à 30 g par litre en décoction pendant 10 mn. Puis, à couvert et hors du feu, on laisse infuser encore dix minutes supplémentaires avant de passer et de filtrer.
  • Décoction de racines. Fraîches ou sèches, leur emploi demeure encore plus délicat qu’avec les feuilles. On ne devrait pas compter plus de 15 g de ces racines à l’état sec pour le volume d’un litre d’eau.
  • Emplâtre de feuilles fraîches de chélidoine : considérez deux bonnes poignées de feuilles de chélidoine que l’on hache de façon assez grossière puis que l’on mêle à 500 g de saindoux (ou à de l’huile végétale de noix de coco), en digestion lente au bain-marie.
  • Suc : essentiellement frais. En application locale, pure et immédiate sur les verrues, les cors et les durillons, à raison de trois applications quotidiennes. La tige jouant le rôle de canule, il est aisé d’appliquer ce suc en quantité suffisante, à la condition de ne pas le faire déborder sur la peau saine, qu’il brûlera pareillement. En cas d’affection cutanée plus étendue, il est possible d’étendre d’eau le suc de chélidoine, puis d’appliquer le mélange par le biais de compresses. On peut encore le diluer dans du vinaigre, de la glycérine, de l’eau de rose (comme collyre : suc en dilution à 4 % dans de l’hydrolat de rose de Damas), du petit lait, du miel liquide allongé d’eau, du mucilage de racines de guimauve, du jaune d’œuf, etc.
  • Teinture alcoolique de suc de chélidoine : une partie d’alcool à 33° sur une partie de suc en contact pendant huit jours lors desquels on agitera régulièrement le mélange.
  • Vin de racines fraîches : après avoir bien brossé, lavé et mondé les racines, on en place 50 à 60 g dans un litre de vin blanc durant une huitaine de jours.

Note : si l’utilisation de la chélidoine par voie interne vous déboussole, sachez que l’homéopathie a élaboré un remède, Chelidonium majus, qui peut répondre à un certain nombre de vos attentes. Il intervient sur la sphère hépatobiliaire (inflammations aiguës et chroniques de l’appareil hépatique, cirrhose, autres affections hépatiques et vésiculaires), mais aussi dans les domaines respiratoire (grippe, pneumonie, coqueluche) et cutané (lupus, carcinome, cancroïde, psoriasis). On peut encore l’employer en cas de troubles des règles et de rhumatismes.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : certains auteurs mentionnent de ne jamais cueillir la chélidoine après qu’elle ait été défleurie, ce qui localise l’acte même de cueillette à la fin du printemps et au début de l’été (mars à juillet dans les conditions climatiques les plus favorables). D’autres auteurs s’embarrassent moins, récoltant la chélidoine toute l’année durant, et spécifiquement d’avril à octobre si besoin des parties aériennes fleuries. Du fait de la causticité (toute relative) du suc de chélidoine (en effet, il ne s’agit pas du suc des euphorbes les plus violentes), il sera toutefois préférable d’en effectuer la cueillette équipé de gants et d’éviter, durant l’opération, le contact avec les muqueuses. La racine, quant à elle, se déchausse en septembre et en octobre.
  • Séchage : il est possible, bien que difficile (la chélidoine est une plante très aqueuse). De plus, une fois sèche, elle ne rend pas compte de la totalité des pouvoirs thérapeutiques de la chélidoine fraîche, c’est évident. En ce qui concerne le séchage des parties souterraines, il passe pour réussi lorsque les racines de chélidoine deviennent quasiment noires.
  • Passé un certain seuil, la chélidoine devient narcotique et toxique, s’avérant même être un violent poison à hautes doses administrées per os (la chélidoine, déjà à doses moyennes, est vomitive et purgative. Donc…). Alors, elle peut causer des troubles digestifs, des désordres nerveux (délire, hallucinations) et cardiaques. C’est pourquoi l’on recommande de n’user des feuilles et du suc frais uniquement par voie externe, et encore sous condition concernant ce dernier (à ne jamais placer sur une plaie ouverte). On a observé, même dans le cadre d’une application correcte, des phénomènes d’irritation et d’inflammation, des réactions allergiques lors du contact de ce suc avec la peau. Tout cela fait que la chélidoine, envisagée comme remède familial, ne peut jouir que d’une sphère d’activité limitée, puisque des cas d’accidents mortels ont été observés (congestion pulmonaire suivie d’asphyxie). Elle ne peut donc faire l’objet d’une auto-médication, car l’absence de tout contrôle en désoblige l’usage interne, principal vecteur de la toxicité de cette plante. On n’est cependant pas très au clair sur la question de la quantité nécessaire à absorber pour passer de vie à trépas… Ceci dit, la prudence commande de n’en faire pas usage chez l’enfant, ainsi que chez la femme enceinte (car la plante provoque des contractions utérines) et celle qui allaite.
  • Il existe un élixir floral à base de fleurs de chélidoine. On l’utilise afin de faciliter l’expression, l’échange et la réceptivité. Il se destine tout particulièrement aux tempéraments obtus et obstinés éprouvant des difficultés de communication et d’ouverture aux autres.
  • Matière tinctoriale : la chélidoine en offre une, mais qui n’est pas de couleur jaune, comme on pourrait s’y attendre, mais autrement surprenante : certaine opération de fermentation permet de tirer de la chélidoine une teinte bleue toute pareille à celle issue du pastel des teinturiers (Isatis tinctoria).

_______________

  1. Fabrice Bardeau, La pharmacie du bon Dieu, p. 91.
  2. Dioscoride, Materia medica, II, 173.
  3. Fabrice Bardeau, La pharmacie du bon Dieu, p. 93.
  4. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 266.
  5. Angelo de Gubernatis, Mythologie zoologique, Tome 2, p. 252.
  6. Ibidem, p. 253.
  7. Pierre Lieutaghi, La plante compagne, p. 165.
  8. Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 2, p. 64.
  9. Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 249.
  10. Pierre Delaveau, La mémoire des mots en médecine, pharmacie et sciences, p. 351.
  11. Guy Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, p. 397.

© Books of Dante – 2022


Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s