L’aubépine (Crataegus oxyacantha)

Synonymes : aubépin, aubépine officinale, aubépine épineuse, épine blanche, noble épine, sable épine, épine de mai, épine de mal, bois de mai, poire du seigneur, poire d’oiseau, sénellier, senellier, cenellier.

On peut facilement comprendre le sens de certaines appellations vernaculaires au prime abord comme, par exemple, la principale, aubépine, qui n’est autre que la contraction du latin alba spina (nous verrons, au fil de cet article, quelles sont les raisons d’exister propres aux autres dénominations).
Un branchage dense, enchevêtré et épineux, telle est la marque de fabrique de l’aubépine. A cela, difficile de s’y tromper, c’est une caractéristique que soulignent l’adjectif latin oxyacantha (« aux épines aiguës, pointues »), ainsi que les locutions suivantes : l’anglaise hawthorn (« cenelle épineuse ») et l’allemande hagedorn (« haie épineuse »). Si ses nombreux rameaux épineux abritent une foule de petits animaux (insectes, oiseaux, mammifères, reptiles…), il existe, tout autour de l’aubépine, comme un halo de mystère. Comment cela se peut-il quand l’on considère l’extrême fréquence à laquelle on la trouve dans la haie ? Qu’on ne connaisse point son nom, c’est tout à fait envisageable, mais l’on ne peut ignorer son immaculée floraison printanière, non plus que ses fruits automnaux bordeaux carminés qui n’échappent généralement pas aux regards.
Par quel mystérieux prodige l’aubépine a-t-elle pu jouir et jouit-elle encore d’une popularité qui oscille entre l’indifférence et la reconnaissance tardive des bienfaits qu’elle est capable de prodiguer ? Bel et bien là, mais en même temps si éthérée, qu’on se demande si…
L’aubépine est un arbuste, et c’est certain qu’elle peut paraître moins fastueuse que bien des arbres (contrairement à tous ces géants – chênes, hêtres, pins et sapins – l’aubépine est avec l’yeuse, l’un des rares représentants arbustifs au nom féminin, alors que tous les autres portent, eux, un nom masculin). Cependant, certains spécimens exceptionnels atteignent la taille d’un arbre moyen et n’ont pas à rougir face à un olivier ou à un laurier noble. Si sa stature habituelle ne dépasse pas cinq mètres de hauteur, il existe réellement des formes monstrueuses, des êtres animés d’une force (le mot crataegus est tiré du grec kratai, « force ») et d’un âge peu communs : par exemple, regardons un peu l’aubépine du presbytère de Bouquetot, dans l’Eure. On dit qu’elle aurait été plantée en 1360. Âgée ainsi de plus d’un demi millénaire, son tronc mesure plus de 70 cm de diamètre. Une autre aubépine, audoise celle-ci (visible dans le petit village de Lacombe), bien plus jeune, puisqu’elle n’a que deux siècles, présente un tronc dont le diamètre est de beaucoup supérieur à celui de l’aubépine normande : un bon mètre. Par ailleurs, nous voyons en Crète une exceptionnelle aubépine à Zominthos haute de 11 m et dont le tronc, à 1,30 m du sol, mesure 80 cm de diamètre. Il serait bien difficile de rester de marbre face à de telles créatures, ni même face à celles, plus modestes, que l’on rencontre bien plus fréquemment dans les campagnes.
On a bien approché l’aubépine, certes de façon sporadique : c’est particulièrement vrai si l’on prend en compte la seule raison médicinale, mais cela ne semble pas remonter au-delà du XIII ème siècle, ce qui, pour une plante médicinale endémique au territoire européen, peut paraître tardif. En ce XIII ème siècle, donc, les premiers signes d’intérêt pour l’aubépine proviennent de l’Italien Pierre de Crescens qui fait des fleurs de cet arbuste un remède de la goutte. Puis, trois siècles plus tard – ce qui, au regard de ce qui nous occupe ici, représente non pas une paille mais une poutre – c’est à l’Allemand Jérôme Bock d’employer ces mêmes fleurs contre la pleurésie. Tout cela est bien peu, pour ne pas dire infiniment faible. Et avant ? Sûr, sûr, sûr ? Y’a rien eu ? Par exemple, que nous raconte l’Antiquité, hormis le fait que Théophraste et Dioscoride connaissaient tous les deux une plante nommée oxyacantha ? Mais, pas de chance, les descriptions qui en sont faites renvoient immanquablement au buisson-ardent (Pyracantha coccinea) ou à l’églantier (Rosa canina). L’Antiquité ne nous dit donc rien. Reprenons donc là où nous nous sommes arrêtés, soit au XVI ème siècle, en ce premier demi-siècle qui fait suite à la découverte des Amériques. L’on voit, à défaut de grandes paroles pertinentes, une admirable aubépine être représentée dans le livre d’heures d’Anne de Bretagne (1503-1508), si bien détaillée à dire vrai que l’on peut, sans hésitation, y reconnaître Crataegus monogyna. Pour joindre la parole au geste du peintre, il faut encore patienter un peu, puisqu’en ce tout début de XVI ème siècle, les deux prochaines personnes qui feront parler de l’aubépine ne sont même pas encore nées. En l’occurrence, il s’agit de Joseph Duchesne de la Violette (1544-1609), médecin du roi Henri IV, et Louise Bourgeois (1563-1636), sage-femme attachée à la cour de la reine Marie de Médicis. Sans doute en référence à la théorie des signatures (?), tous les deux indiquent les baies d’aubépine efficaces contre les lithiases urinaires. Au siècle suivant, après cette incursion de la cenelle au sein de la pharmacopée d’époque, on retrouve la blanche fleur d’aubépine dans les travaux de Nicolas Lémery comme antihémorragique, puis dans ceux de Gilibert comme traitement de la leucorrhée. Avec cela, les Anglais John Gerard et Nicholas Culpeper, ainsi que l’Irlandais John K’Eogh, donnent chacun à l’aubépine une réputation diurétique, ce qu’elle est effectivement, bien que légèrement.
Après tous ces errements, c’est péniblement que nous parvenons au XIX ème siècle, où il ne se passe pas grand-chose pour l’aubépine durant la majeure partie de ce siècle : Roques ne l’aborde pas, ni Cazin père. Seul Cazin fils ajoute dans le traité de son père, quatre ans après sa mort, quelques lignes formant tout juste une demi page à propos de Crataegus oxyacantha (cela concerne la troisième édition du Traité pratique et raisonné, qui paraît en 1868 ; huit ans plus tard, dans la quatrième édition, pas une ligne n’a été ajoutée à cette trop brève monographie). La seule remarque qui est faite concerne l’astringence des baies, ce qui pourrait laisser envisager leur emploi dans la diarrhée et la dysenterie. Rien de plus. Mais le salut va provenir d’un médecin de campagne, quasiment contemporain d’Henri Cazin (1836-1891), Ernest Bonnejoy (1833-1896), homme de la providence que Leclerc – historien de la phytothérapie, faut-il le rappeler – exhume de papiers relativement récents, puisqu’une année après la mort de Bonnejoy, Leclerc met la main sur diverses notes qu’on lui doit et dans lesquelles il laisse entendre avoir pris connaissance d’un document anonyme daté de 1695, et dans lequel l’auteur conseille la pervenche, l’alchémille et l’aubépine pour régulariser la tension artérielle et agir sur l’artériosclérose. C’est sans doute la première fois que l’on mentionne le fait que l’aubépine a du cœur ! Avant 1897, le docteur Leclerc savait pourtant « déjà, par une habitante d’Épinal, qu’en Lorraine, l’infusion de ce simple était d’un usage courant pour calmer les palpitations et pour combattre l’insomnie » (1). Après prise de connaissance de ce texte de la fin du XVII ème siècle, Leclerc procède à l’expérimentation heureuse de l’aubépine comme modératrice de l’éréthisme cardiovasculaire et privilégie cette plante à travers une observation clinique qui durera plus de trois décennies. C’est donc, oui, on peut le dire, à la fin du XIX ème siècle que démarre ce nouveau pan de la carrière thérapeutique de la blanche épine, son efficacité ayant été démontrée au tournant de ce siècle sur les désordres du cœur, l’angor, l’arythmie cardiaque. Celle que le professeur Léon Binet appelait « la valériane du cœur » allait connaître un très grand succès. L’aubépine a, en effet, un cœur gros comme ça : elle est cardiotonique légère, régulatrice du rythme cardiaque, sédative et antispasmodique cardiaque. Avec une telle pléthore de moyens, quoi de plus étonnant à ce qu’elle prenne grand soin de ceux qui souffrent du muscle cardiaque ? Mais elle ne se concentre pas qu’au cœur du myocarde, puisqu’elle étend aussi son action sur le reste du système circulatoire, les artères en particulier : ainsi, troubles circulatoires, artériosclérose, angor, spasmes artériels, sont-ils justiciables de l’emploi des fleurs d’aubépine, fleurs qui vont, immanquablement me faire revenir à Cazin fils qui indique l’existence dans ces fleurs de cette substance, la triméthylamine, dont le parfum, peu ragoûtant, rappelle celui du poisson putréfié (et pour cause, cette molécule est responsable du fumet du hareng mariné !). On la trouve aussi dans cette autre plante, la vulvaire (Chenopodium vulvaria) et, ô miracle, à la suite de la monographie que le médecin accorde à cette autre plante, il y a, dans la troisième édition du Traité pratique et raisonné de son père, à la page 1139, l’information capitale suivante au sujet de cette triméthylamine : « on observe toujours un abaissement marqué dans le nombre des pulsations artérielles. C’est donc un hyposthénisant de la circulation » ! Ainsi, trois décennies avant la découverte de Leclerc, un premier indice était-il, de manière très indirecte il est vrai, déjà communiqué et disponible à propos de tout ce que l’on a dit des actions de l’aubépine sur la sphère circulatoire !
Si l’on a tardivement reconnu à l’aubépine ses bienfaits médicinaux majeurs, en revanche, la faim aura souvent poussé l’homme à s’en remettre à elle, non pour ses fleurs, mais pour ses fruits en forme de petites pommes d’un centimètre de diamètre et qu’on appelle des cenelles. Dès les temps préhistoriques, ils étaient déjà consommés si l’on en croit les dépôts de noyaux d’aubépine découverts dans divers sites lacustres. Comestibles, bien que peu engageantes d’un simple point de vue gustatif, les cenelles ont au moins l’avantage de représenter un apport nutritif non négligeable. Et en temps de disette, c’est tout ce qu’on leur demande : ne pas crever de faim. Alors, les avis des becs-fins, on s’en fout. Ces cenelles étaient largement employées dans l’ancien empire germanique, usage dont il reste un nom, celui accordé à ces fruits en allemand, mehlbeere, signifiant littéralement « baie à farine », terme révélant les emplois alimentaires auxquelles la cenelle fut conviée : la fabrication de pain, de galettes et de gâteaux.

Très étranges, les rapports entretenus par l’homme avec l’aubépine. Bonne à manger quand il n’y a plus rien à se mettre sous la dent, c’est donc tout « naturellement » vers elle qu’on se tourne, et dont on brave les épines pour ce faire. Pas si ingrate que ça, finalement, l’aubépine, que l’on nomme parfois « épine de mal », sans doute une déformation de « mai », mois durant lequel s’épanouissent les fleurs d’aubépine. Mais il ne s’agit pas véritablement d’une distorsion linguistique, ni de l’erreur d’un copiste distrait. Bien que sacré en Irlande (quiconque détruit une aubépine sera détruit à son tour : son troupeau, ses enfants, ses économies, tout ou presque y passera), on lui prête aussi un aspect maléfique : sur l’île verte, il porte quelquefois le nom de sceith, que Robert Graves rapproche de l’indo-germanique sceath (« nuisance »), et dont l’anglais a tiré scathe (« tort, dommage »). Ainsi, épine de mai et épine de mal seraient synonymes. Pour mieux comprendre cette association, il faut mettre en lumière des éléments de compréhension indispensables. Et il n’y a pas qu’en Irlande, puisque « avant que ne commence ce mois malchanceux, les Grecs allumaient cinq torches d’aubépin et de fleurs d’aubépine pour se la rendre propice lors des mariages célébrés à ce moment de l’année » (2). Voilà. Nous y sommes : la blanche épine entretient des rapports avec les fiançailles, les épousailles, le mariage, pour le moins troubles comme nous allons maintenant l’exposer, malgré les efforts consentis par elle pour montrer patte blanche. En tout premier lieu, l’on nous apprend que l’aubépine permettait aux jeunes filles de découvrir leur futur amoureux, mari, et plus si infinité. (Dans tous ce qui va suivre, l’aubépine se cantonne uniquement du côté strictement féminin, puisque c’est un arbre placé sous la protection de puissances féminines. Et, au reste, l’aubépine n’est-elle pas, quelque part, un peu, beaucoup, femme, pour ne pas dire fée ?) Nous nous situons donc ici bien avant l’idée même du mariage : « L’épine blanche évoque la terre vierge, non cultivée » (3). Et quand l’on sait que l’aubépine forme parfois les deux tiers de la haie, l’on saisit mieux les idées de parenthèses sauvages, de lieu d’asile pour les animaux qui la peuplent, pour les plantes de taille plus modeste qui y trouvent l’ombrage et la fraîcheur, qu’elle peut représenter, offrant repos et répit, parce que refuge, abri, mais aussi corridor par lequel s’échapper sans se faire voir, sans se faire prendre. Cette clôture, barrière, palissade, qu’est la haie, expose nécessairement l’aubépine à une mission de protection qu’elle remplit, ma foi, sans véritable difficulté, surtout lorsque, pour autres compagnons épineux de la haie, elle compte sur le prunellier, le houx, le nerprun, la ronce, l’épine-vinette, etc., dardant, s’il le faut, leurs épines pour le besoin de la cause. L’aubépine dit bien qu’elle protège une terre en la soustrayant au coutre de l’homme, de même qu’une jeune fille vierge se dérobe aux assiduités de tel ou tel en fuyant auprès de la haie, auprès de l’aubépine, qui lui offrira, à coup sûr, asile et protection, et où, peut-être, trouvera-t-elle le conseil des fées, l’aubépine étant un arbre qui leur est cher, faisant perdre leur force aux maléfices (et être harcelée, quand on est une jeune fille, par un lourdaud malpropre et malotru, c’est bel et bien un maléfice). Mais elles ne sont pas toujours là, les fées. Parce que « quand les fées ont été lassées de vivre sur la Terre devant les méchants et les sots qui s’y montrent avec tant d’insistance, elles se sont cachées d’abord dans l’aubépine, mais l’abri était trop fragile et c’est dans la fleur de sureau qu’elles demeurent aux beaux jours » (4). Voyez-vous même, si l’aubépine n’est plus pour les fées un abri sûr, alors pour les jeunes filles… Mais, par chance, dans la haie, on croise parfois, placé tout à côté de l’aubépine ou pas loin, un sureau : qui dit qu’une fée ne s’y dissimule pas, qui dit qu’elle n’entendra pas la plainte et la lamentation de la jeune fille, de cette jeune personne pas encore femme, mais plus du tout enfant, située dans cet état d’être qui fait que… Cela semble expliquer pourquoi la jeune fille aux blanches fleurs d’épine représente le paroxysme de la chasteté, une chasteté exagérée qui entend bien conserver par devers soi sa virginité, même si selon un paradoxe qui n’a que l’apparence du mirage, l’aubépine se situe à ce moment crucial où la future perte de la virginité de la jeune fille n’est pas encore établie, mais duquel point elle se rapproche, tandis que, à la faveur d’un coup de chaud printanier, l’aubépine décharge dans l’air de lourds effluves d’un parfum qui possède quelque chose d’animal, de sexuel, d’érotique même, un parfum, d’aucuns disent, rappelant celui du sexe de la femme (et on n’aurait pas appelé cette autre plante, la vulvaire, ainsi sans raison… étant, de plus, une plante aux intéressantes propriétés gynécologiques). A ce niveau-là, l’aubépine n’est pas que l’exacerbation de la chasteté, mais semble signifier à la jeune fille que, bientôt, elle connaîtra un nouvel état d’être, mais pas encore, pas en ce maudit mois de mai, un mois durant lequel on avait remarqué qu’on enregistrait bien peu de mariages : ce n’est pas parce qu’on avait tendance à coiffer le mât de mai (= le phallus) d’une couronne d’aubépine (= la vulve) au début d’un mois du même nom, que l’affaire était dans le sac. Il faudrait être bêta pour se laisser prendre par une ficelle aussi grosse ! Annonciatrice du futur de la jeune fille, l’aubépine, en bonne marraine qu’elle est, et que certains auteurs, qui l’ont visiblement bien mal comprise, ont considérée comme anaphrodisiaque, est une fleur de passage, une fleur de transition, comme le montre bien sa position dans la haie, autant dirigée vers la prairie que vers le fourré inextricable et branchu dont elle garde l’entrée.
Si l’aubépine est bois de mal, alors c’est un mal pour un bien, puisque c’était justement au mois de mai que, en Grèce antique par exemple, l’on se préparait au solstice d’été en nettoyant et purifiant les temples, ce qui me semble difficilement expliquer le fait que l’aubépine incarne, dit-on, tant la pureté que la purification (qu’elle soit d’ordre physique ou psychique), la pureté étant l’état obtenu (et censément conservable et conservé) après purification. Tout ceci n’est pas très clair, contrairement à la réputation lumineuse qu’on prête généralement à l’aubépine. En tous les cas, histoire de, peut-être, dissiper tout cela, sachons qu’à Rome, le mari avait pour coutume d’agiter un rameau d’aubépine en conduisant son épouse vers la chambre nuptiale, tandis que chez les Grecs, on ornait – en la clouant j’espère – la porte de la même chambre de rameaux d’aubépine durant la nuit de noces.
Il importait de rappeler que l’aubépine n’est pas que substance médicinale et alimentaire : surtout, elle occupe un vaste pan de l’histoire spirituelle des hommes, et son irruption au sein des croyances, des légendes et de la magie, ne doit nullement nous étonner. Dans Les Fastes, œuvre que l’on doit au poète romain Ovide, l’on trouve déjà une allusion au pouvoir magique de l’aubépine, puisque c’est d’elle que le dieu Janus tire une verge écartant les enchantements dont pourraient être victimes les enfants en bas âge, une croyance qui se perpétuera longtemps, bien que, avec le temps, le mythe finisse par s’éroder, et que de son élément originel, il ne reste plus que quelques miettes résiduelles, résultat de sa dégénérescence qu’accompagne généralement l’acte même de transmission. C’est ainsi que, à force d’altération, bien plus tard, bien après la poésie ovidienne, l’on ne sait plus exactement pourquoi l’on agrippait encore des rameaux d’aubépine aux berceaux, et dont la principale fonction est d’en écarter les maléfices ainsi que les maladies importunes. La verge de Janus, c’est, bien entendu, l’épine, qui est sceptre, glaive ou épée, dans un sens ou l’unicité prévaut sur la duplicité, mais n’est pas moins puissante, bien au contraire. Ce rôle protecteur de l’épine se mue parfois en effet roboratif comme l’amène Anne Osmont à travers cet extrait : « On dit que si un enfant est faible, malade, s’il paraît languissant sans qu’on sache pourquoi, sa mère doit le porter sous l’aubépine, le mettre nu sur un coussin et, pendant qu’il reçoit par tous les pores l’influx vivant de l’épine, à la fois robuste et mignonne, elle priera la Sainte Vierge avec tout l’espoir de son cœur » (5).
Si l’aubépine célèbre la vie, elle a chez d’autres peuplades une dimension funéraire assez marquée, comme le relate Julius Grill (1840-1930), précisant que les anciens Germains utilisaient du bois d’aubépine pour embraser les bûchers funéraires. « On suppose, dit-il, que, par la vertu du feu sacré qui s’élève des épines, les âmes des trépassés sont reçues au ciel, et il est clair que ce feu sacré est l’image du feu céleste, l’incendie du cadavre un symbole de l’orage, puisque d’abord on consacrait le bûcher avec le marteau, attribut du dieu Thor », d’où la relation de l’aubépine avec l’éclair, ce qui renforce son pouvoir de transition, particulièrement lisible à travers l’ogham de l’aubépine, Huathe (ᚆ). Et, une fois de plus, l’aubépine protège, détenant de multiples pouvoirs face à la foudre et aux orages, surtout le premier rameau fleuri croisé de l’année. Pour se prémunir des éléments du ciel, il faut accrocher des rameaux d’aubépine en fleurs à la porte des maisons, ainsi qu’à ses fenêtres, autres lieux de passage (et donc, encore, de transition), ainsi que dans les combles et les greniers. Paul-Victor Fournier se hasarda même à émettre l’hypothèse qu’« il se pourrait que l’arbuste écoule par ses épines l’électricité comme les paratonnerres par leurs pointes » (6), idée que je trouve fort séduisante… Par ce lien à l’orage et à la foudre, l’aubépine aurait aussi pour vertu d’éloigner les mauvais esprits ainsi que ces créatures chthoniennes que sont les serpents (Jean-Baptiste Porta en donnait même l’infusion comme capable de guérir les morsures de ces animaux).
Porte vers l’autre monde (le Sidh de la mythologie celtique), l’aubépine figure aussi en bonne place au sein de l’alphabet oghamique, y occupant la sixième position, débutant le deuxième aicme par Huathe ou Uath , ogham qui « peut nous inciter à la prière, à la méditation ou à une forme de communication ou de reliance avec d’autres plans de conscience […]. Reliez-vous aux énergies pures et lumineuses, aux énergies divines, et mettez-vous sous leur protection » (7). Celle des fées, peut-être ? L’aubépine pousse souvent en bosquet serré et, d’ailleurs, sa présence en grand nombre sur une éminence est l’indice que les fées ne sont pas bien loin. Des couronnes d’aubépine en offrande permettent de s’en attirer les bonnes grâces, mais à certaines dates précises de l’année (Beltane, le solstice d’été, Samhain), l’on affirme qu’il ne faut point séjourner auprès d’une aubépine, au risque d’être enchanté aussitôt par les fées, ce qui, incontournablement, ne peut que nous rappeler l’épisode durant lequel Merlin fut ensorcelé par Viviane sous une aubépine en forêt de Brocéliande, Viviane capable, sans presque trop d’effort, de charmer ceux qui l’entourent… Merlin retenu captif, qui plus est sous une aubépine : c’est là une signature s’approchant d’une valeur de l’ogham Huathe, qui rend compte de la nécessité de s’isoler dans le silence et dans le jeûne, à l’image d’une retraite spirituelle (qui est souvent épuration et rétention), toute faite de simplicité, de prière, de méditation, le tout pétri de solitude et de détachement. Huathe, à l’image d’une chenille qui se débarrasse de sa cuticule devenue trop étroite pour elle, implique donc la suppression de ce qui est inutile, ce qui entraverait l’homme, de même que la chenille, dans sa nécessaire et obligatoire volonté de détachement, tout en faisant bien prendre conscience de la difficulté que l’on peut parfois rencontrer à l’idée de modifier ses habitudes (mais pas pour la chenille, mue par un déterminisme ineffable qu’elle ne s’explique donc pas). Malgré l’espoir et l’espérance, le courage, la croyance en la chance, valeurs communément véhiculées par l’aubépine, la réticence face au changement peut s’expliquer par la crainte et l’appréhension. D’ailleurs, c’est sans hasard qu’on peut considérer le mot Huathe lui-même, provenant du vieil irlandais uath, qui signifie « peur », « frayeur ». A l’impossible nul n’est tenu, dit-on proverbialement parfois. Mais l’ogham de transition qu’est Huathe invite à s’interroger sur le bien-fondé de cet adage : la nymphe saurait-elle qu’elle deviendrait imago, la chenille le papillon, la jeune fille la femme, si l’on n’abandonnait une forme usagée, dans l’attente de sa remplaçante ? Mue après mue, le papillon, qui n’est pas autre chose qu’une fée déguisée, peut nous l’enseigner.

Le légendaire chrétien, une fois de plus, fit ses choux gras de l’aubépine. Il est dit que l’un de ceux qui auraient procédé à l’ensevelissement du Christ parvint en Angleterre en 63 après J.-C., dans le Somerset, à Glastonbury pour être exact (généralement, cette légende occulte, étouffe même, le désir qu’on a eu de voir dans l’épine blanche les rameaux qui formèrent la couronne christique de la passion). Cet homme, c’est Joseph d’Arimathie. Plantant son bâton en terre, il en jaillit une aubépine superbe et notre homme prit la décision de construire la première église d’Angleterre à proximité. Connue sous le nom d’aubépine miraculeuse de Weary-all Hill, elle a comme pouvoir de fleurir chaque année, la veille du jour de naissance du Christ. Pendant des siècles, une tradition consistait à offrir au roi d’Angleterre un rameau de cette aubépine. Elle subit un coup d’arrêt à la mort de Charles Ier. Au XVII ème siècle (1649), alors même qu’on tranche la tête de ce roi, l’aubépine est abattue sous les coups de Cromwell. Aujourd’hui, ce lieu est marqué d’une pierre ; des rejets de l’aubépine originelle subsisteraient, ce qui ferait d’elle un arbre presque bi-millénaire… La légende s’arrête là. Cette aubépine est, en réalité, une variété dite biflora connue que depuis 1562 et présentant deux floraisons dans l’année : la première au mois de mai, comme toutes les aubépines, la seconde en hiver (si seulement l’hiver est doux, or l’Angleterre subira le Petit âge glaciaire du XIV ème au XIX ème siècle : autant dire que cette aubépine « miraculeuse » n’a pas dû fleurir souvent en hiver…). Quoi qu’il en soit, bien avant la soi-disant arrivée de Joseph d’Arimathie en Angleterre, les Celtes rendaient déjà un culte à cet arbuste sacré. Mais l’implantation progressive du christianisme a fait que l’aubépine fut rapidement consacrée à saint Patrick en Irlande (V ème siècle après J.-C.) et à saint Maudez, un missionnaire qui fonda un monastère sur l’île de Bréhat (VI ème siècle après J.-C.). Dans les Côtes-d’Armor, dans la commune de Lanmodez, se trouve une aubépine qui « saigne », près d’un rocher connu sous le nom de Kador sant Vode (chaise de saint Maudez). Aubépine « miraculeuse » elle aussi, elle rappelle que d’aucuns ont vu dans la couronne d’épines du Christ des rameaux d’aubépine, sans oublier la blancheur virginale de ses fleurs associées à la Vierge Marie.

Hôte des campagnes, l’aubépine affectionne l’orée des forêts où elle semble monter la garde, tant en direction des lieux découverts (garrigue, lande à genêts, pelouse sèche et rocailleuse, marne grise, fourré à buis) que couverts où, alors, on la voit s’acoquiner à de grands feuillus (aulnes, peupliers, frênes) ou à des résineux (pins). Mais c’est sans doute aucun à la haie qu’elle est, avec l’épine noire, la plus attachée, cette même haie encore bien incomprise et dont Émile Cardot écrivait en 1907 qu’il ne fallait point médire d’elle parce qu’elle est capable de former d’excellentes clôtures, sans compter que ces arbustes tels qu’aubépines, coudriers, genévriers, formant ce que l’on appelle le mort-bois, sont des espèces végétales d’avant-garde qui préparent le terrain à d’autres aux statures plus imposantes : les arbres. Ce ne sont là que deux raisons prouvant l’excellence de la haie, il en existe bien d’autres, nous en avons abordées un certain nombre ci-dessus, mais il est vrai que la haie en tant que tel mériterait bien un article rien qu’à elle.
Bel arbuste au bois dur, l’aubépine est peinte de gris clair étant jeune, puis, prenant de l’âge, elle brunit et rougit, se crevasse de plus en plus. Lobées par trois à sept, les feuilles coriacées de vert luisant de l’aubépine sont découpées de profondes échancrures. Elles sont portées par de brefs pétioles qui côtoient des épines qui ne sont pas si nombreuses que cela : parfois, on lit, dans tel ouvrage, que l’aubépine est bardée d’épines ; or, être bardé suggère l’abondance, ce qui n’est pas le cas de l’aubépine au seul point de vue de ses épines qui, pour reprendre le bon mot d’Anne Osmont, ne sont pas si terribles. Tout au contraire de ses fleurs que le printemps lui voit fort nombreuses : ses fragiles bouquets de fleurs blanches à blanc crème, composées de cinq pétales, éclosent au printemps, plus tardivement que celles du prunellier, et paraissent parfois rosâtres en raison de la présence de nombreuses étamines rouges à rose vif au cœur de chaque fleur (parfois, les inflorescences sont intégralement roses : il s’agit là d’un cultivar à destination ornementale). Et toutes ces fleurs donnent des fruits, en l’occurrence des drupes dont la forme, qu’elle soit globuleuse ou ovoïde, n’excède pas un centimètre de diamètre. Verdacées, puis carminées de pourpre, elles atteignent le summum de leur maturité à la presque fin du mois d’août. Ce fruit, la cenelle, on le dit ingrédient du garde-manger de la haie ; comme je me suis un peu élevé à propos du même statut présupposément accolé à la prunelle, nous n’irons pas plus loin dans le recueil des informations de préférence aviaire. Non, parce que, des fois, on en voit un – pas d’oiseau, mais de plumitif – qui raconte une énormité reprise pas tous ses coreligionnaires qui ne prennent même pas la peine d’aller voir in situ de quoi il retourne exactement.

L’aubépine en phytothérapie

Il y a une quinzaine de jours, j’ai dit que l’aubépine s’était taillée une carrière thérapeutique autrement plus médiatisée que celle du prunellier, lequel donnait l’impression très nette de rester cantonné aux portes d’un monde rural et empirique. Même si l’aubépine a tardé à sortir du fourré de la haie, il est vrai que, comme nous l’avons vu plus haut, elle n’a pas laissé seulement insensibles les poètes et autres gens de lettres (Marcel Proust, Georges Sand, Clément Marot…), mais également les thérapeutes, bien que, pour des raisons tout à fait anecdotiques, et fort différentes de ce pourquoi l’on considère aujourd’hui l’aubépine, c’est-à-dire comme partie intégrante de ces grandes plantes médicinales que l’on se doit de prendre en compte à leur juste valeur. Il y a un siècle, voire un peu plus, l’aubépine en était au même point que l’est encore le houx aujourd’hui : peu usitée, on n’avait pas encore percé tous les mystères qui l’entouraient, en tous les cas pas celui qui, depuis lors révélé, consiste à avoir fait de l’aubépine une plante composant le cortège des plantes à visée cardiaque (même si Leclerc avait alerté dans ce sens, isolément il est vrai, en toute fin de XIX ème siècle). L’aubépine, médicament du cœur, qui d’autre peut s’en vanter ? Passons en revue quelques plantes cardiotoniques. Qu’avons-nous ? La scille, le laurier-rose, le muguet, le genêt à balai, la gratiole, le nénuphar, l’épine-vinette, la digitale pourpre, etc. Sans aucunement renier l’utilité de toutes ces plantes, remarquons que bien d’entre elles sont d’un usage fort délicat, tandis que l’aubépine, ne contenant ni alcaloïde ni saponine, est parfaitement exempte de toxicité. Peut-être que l’odeur peu agréable des fleurs d’aubépine, davantage marquée par temps chaud (on dit alors que ce parfum devient nauséabond), n’a pas encouragé leur emploi en thérapeutique, bien qu’elles aient été, nous l’avons souligné, autrefois employées, mais à la même hauteur qu’écorce et baies. Cette odeur est due, en partie, à une essence aromatique et à cette substance qu’on appelle triméthylamine, disparaissant néanmoins lors de la dessiccation des fleurs (on croise la triméthylamine dans diverses autres plantes : le fenugrec, le sorbier des oiseaux, la mercuriale, l’arnica, ainsi que cette fameuse vulvaire, etc.). De même que dans les fleurs, on trouve dans feuilles et baies, des acides triterpéniques, des acides phénols, des proanthocyanidols. Dans les feuilles surtout résident plusieurs flavonoïdes (quercétine, rutine, etc.) ainsi que des corps mucilagineux. Dans l’écorce, assez rarement utilisée, on y croise du tanin bien sûr, mais également des substances amères (crataegine, oxyacanthine). Dans les fruits, il y a aussi un peu de tanin, des sucres (dont du glucose), de l’amidon, de la pectine, ainsi que de la vitamine C.
Toutes ces fractions végétales mériteraient d’être bien davantage prises en compte d’un point de vue de leur composition biochimique.

Propriétés thérapeutiques

  • Cardiotonique légère, régulatrice du rythme cardiaque, diminue les rythmes trop rapides, « atténue efficacement la perception exagérée des battements cardiaques […] lorsque aucune maladie du cœur n’a pu être décelée par ailleurs » (8), hypertensive, hypotensive par vasodilatation, sédative cardiaque douce, facilite l’oxygénation cérébrale, anticoagulante (?)
  • Sédative du système nerveux central, hypnotique légère, antispasmodique
  • Fébrifuge (écorce)
  • Astringente (baie, écorce), antidiarrhéique (baie)
  • Diurétique légère (baie, fleur), dissolvante des lithiases (?)

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère cardiovasculaire et circulatoire : insuffisance cardiaque modérée, arythmie, tachycardie, palpitations, constriction douloureuse dans la région cardiaque, dégénérescence du myocarde et des vaisseaux sanguins, artériosclérose, angor, spasmes vasculaires, hypertension, hypotension, mauvaise circulation du sang
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dyspepsie, diarrhée, dysenterie, lithiase biliaire (?)
  • Troubles de la sphère respiratoire (voies respiratoires supérieures) : angine, angine simple, maux de gorge, enrouement
  • Troubles locomoteurs : arthrite, rhumatismes
  • Troubles de la sphère vésico-rénale : lithiase urinaire (?), albuminurie
  • Troubles liés à la ménopause : bouffées de chaleur congestives, insomnie, irritabilité, vertige, bourdonnements d’oreilles
  • Troubles de la mémoire
  • Surmenage, fatigue physique, psychasthénie

Propriétés et usages psycho-émotionnels

L’aubépine est aussi – comment s’en étonner ? – un régulateur émotionnel d’une grande efficacité, intervenant dans nombre de troubles, tant chez l’enfant que chez l’adulte : insomnie d’origine nerveuse et autres troubles du sommeil, nervosité, anxiété, crise d’angoisse, irritabilité, peur et appréhension, séparation (et angoisse de séparation tant physique que psychique), deuil, émotivité (et émotivité excessive) chez l’artérioscléreux, le dyspeptique, l’enfant et l’adolescent, agitation, colère, insubordination, tendance aux tics.
C’est une médication très précieuse qu’on peut adresser aux « jeunes gens traversant une crise sentimentale » jusqu’aux « vieillards au cœur fatigué » ; ce sont peut-être les mêmes, à des décennies d’intervalle ; l’on ne se méfie jamais assez, je pense, des peines de cœur et de leur incidence sur l’organisme… Comment ne pas imaginer – si l’on considère que le psychisme recouvre le physique et l’embrasse dans une symbiose osmotique – qu’un cœur écrasé de peines successives finira, un jour ou l’autre, par imploser. J’ai souvenir d’un médecin cardiologue à la retraite dont l’épouse est décédée d’une crise cardiaque entre ses bras sans qu’il ne puisse rien faire pour la sauver. Triste ironie de l’existence… L’aubépine, si jamais l’on s’y prend à temps, permettrait d’ôter du cœur les épines qui s’y fichent l’une après l’autre si on les laisse faire, faisant ressembler, à la longue, ce pauvre cœur malmené à une poupée misérable que l’on écorche de longues aiguilles à la manière des envoûteurs. D’ailleurs, à ce titre, l’ai récemment lu que « ses noyaux pulvérisés et appliqués en bouillie font sortir les épines et les points de flèches » (9). Cœur, flèche. Cela ne vous évoque-t-il pas une divinité ailée et généralement grassouillette ?

Si l’on peut associer l’aubépine à l’une des quelconques planètes qui régentent les signes zodiacaux, on lui voit une accointance avec Uranus et le Verseau, mais elle demeure un des grands remèdes de ceux qui sont nés sous l’influence du Soleil. Ce petit arbre est réputé, comme nous l’avons dit, pour son action sur le cœur, mais il est également un remède agissant sur la colère, la nervosité excessive, etc. Ainsi, agir sur la sphère psychique en évacuant l’irritabilité et l’anxiété permet-il de régulariser un cœur souvent perturbé et assailli par des émotions particulièrement appuyées chez les natifs du Lion. C’est pour cela qu’on peut apprendre avec utilité que l’élixir de fleurs d’aubépine est bien adapté au chakra du cœur (il s’agit d’un élixir conçu selon la méthode du docteur Edward Bach ; étonnamment, le médecin anglais n’a fait figurer ni l’aubépine, ni le prunellier d’ailleurs, parmi ses 38 quintessences florales). Au chakra du cœur, donc, ainsi qu’aux peines que, généralement, il encourt. Voici, en substance, dans quels cas employer cet élixir : incapacité à aimer, incapacité à manifester son amour par peur du rejet et de l’échec, indifférence amoureuse, manque de générosité, égoïsme, repli sur soi, déceptions amoureuses plus ou moins récurrentes, sentiment de solitude, relations amicales qui se dérobent…

Modes d’emploi

  • Infusion des fleurs seules ou des rameaux fleuris.
  • Décoction de baies séchées au four.
  • Décoction d’écorce.
  • Macération vineuse de fleurs et/ou de feuilles.
  • Teinture-mère.
  • Teinture alcoolique à laquelle le docteur Leclerc appliquait une mention spéciale, expliquant qu’aux infusions, poudres, extraits mous et fluides, il « préfère la teinture alcoolique » à « ces préparations peu actives et infidèles » (10).
  • Gélule de poudre cryobroyée.
  • Extrait fluide.

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : les fleurs au printemps (avril, mai, voire juin) ; l’important étant de les cueillir encore à l’état de boutons (car même après récolte, elles poursuivent leur éclosion), tout en faisant attention de ne pas briser les jeunes pousses foliaires, « et en ne revenant qu’un an sur deux sur la même branche. Il s’agit d’une récolte fragile, très sensible à l’échauffement. Vous devez l’apporter le plus rapidement possible au séchoir », explique Thierry Thévenin (11), c’est-à-dire un lieu bien ventilé, situé à l’ombre, dans lequel opérer promptement la dessiccation des fleurs qu’on disposera en couches légères et que l’on retournera avec délicatesse durant l’opération. Cela exclue donc les récoltes lointaines et mal avisées. Les baies se cueillent à l’automne, dès le mois de septembre, jusqu’en octobre. Par la suite, elles ont tendance à sécher un peu et à être moins manipulables. La jeune écorce attendra la fin de l’hiver, en février, pour être découpée avant la montée de sève. Prenez garde au stockage, tant des fleurs que des baies, puisqu’elles sont les unes et les autres la convoitise des mites alimentaires.
  • Toxicité : nous l’avons compris, l’aubépine n’en possède pas, ne s’accumulant pas dans l’organisme et ne provoquant aucun phénomène d’accoutumance. C’est pour ces raisons qu’on peut en envisager un usage au long cours, ce qui, de toute façon, est bien préférable dès lors qu’on souhaite s’en remettre à l’aubépine, dont il faudra cependant se méfier de la teinture alcoolique, comme le signalait le docteur Leclerc. En ce cas, on évitera des doses supérieures à cent gouttes par jour, sans quoi l’on peut voir apparaître un ralentissement du pouls et des phénomènes de somnolence (c’est-à-dire une sédation exagérée en somme). Contrairement à cette héroïque qu’est la digitale pourpre, l’aubépine est parfaitement adaptée aux personnes qui sont sensibles à la digitaline ou à d’autres cardiotoniques de synthèse.
  • Alimentation : c’est vite dit, mais ne faisons pas les fines gueules, puisque les jeunes pousses possèdent une étonnante saveur de noix ou de noisette. On peut les incorporer en petite quantité à une salade, voire même les cuire paraît-il (je n’ai jamais tenté cette expérience : rendez-vous au printemps prochain). Quant à la cenelle, ce fruit dont l’aubépine est généralement prodigue, on est loin des qualités gustatives d’autres petits fruits sauvages. Farineuse – je dirais qu’elle emboque comme un étouffe-chrétien qu’elle est – il est pourtant possible de l’agrémenter, en raison de son goût pratiquement absent. Certains sont même arrivés à en confectionner des purées, ainsi qu’une espèce de farine à bouillir (sauce, confiture, compote) et à cuire sous forme de galettes et de biscuits. En élaborer des boissons fermentées comme des ratafias est également possible.
  • Autres espèces : en France, on trouve une autre aubépine dont les fleurs et surtout les feuilles sont bien différentes : Crataegus monogyna ou aubépine à un seul noyau (les fleurs ne comportent qu’un seul ovaire, d’où le monogyna). On rencontre aussi l’azerolier ou aubépine azerolier (Crataegus azarolus), espèce méridionale installée dans le Midi de la France et dont il existe plusieurs cultivars (azerolier à feuilles de poirier, azerolier à feuilles de tanaisie, azerolier écarlate…) qui forment des fruits bien plus gros que la cenelle (2 à 4 cm), aux couleurs et aux saveurs différentes, réputés autrement que la baie d’aubépine pour leurs qualités gustatives, tant et si bien qu’on les trouve en vente sur quelques marchés en Italie par exemple.
  • Associations : l’aubépine peut tenir compagnie, surtout sur la question de la sédation du système nerveux central, à bien d’autres plantes avec lesquelles elle composera un joli bouquet : le coquelicot, le houblon, le lotier corniculé, la mélisse officinale, la valériane, la ballote fétide, la fleur d’oranger, la lavande fine…
  • Maladie : l’aubépine est sujette comme d’autres espèces de Rosacées à ce que l’on appelle le « feu bactérien », très contagieux.
  • Autres emplois : les feuilles, comme ersatz de tabac ; l’arbuste comme porte-greffe, à l’instar du prunellier, pour accueillir les greffons d’autres fruitiers de la même famille ; le bois, en tournerie et en ébénisterie ; autrefois, pour la boulangerie, l’aubépine était fort appréciée, car son bois, qui brûle très longtemps, libère une grande quantité de chaleur tout en ne dégageant que peu de cendres.
    _______________
    1. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 195.
    2. Robert Graves, Les mythes celtes. La Déesse blanche, p. 200.
    3. Julie Conton, L’ogham celtique, p. 100.
    4. Anne Osmont, Plantes médicinales et magiques, p. 146.
    5. Ibidem, p. 147.
    6. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 130.
    7. Julie Conton, L’ogham celtique, p. 102.
    8. Jean-Marie Pelt, Les vertus des plantes, pp. 153-154.
    9. Claudine Brelet, Médecines du monde, p. 338.
    10. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 198.
    11. Thierry Thévenin, Les plantes sauvages. Connaître, cueillir et utiliser, p. 155.

© Books of Dante – 2019

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2 réflexions sur “L’aubépine (Crataegus oxyacantha)

  1. Ma grand ‘mère lorsque j’étais enfant, a hurler en me voyant avec un bouquet d’Aubépine rentrer dans notre maison. Va jeter ces fleurs dehors tout suite, elles portent malheur,elles sont signe de deuil ! Cela ne m’empêche pas de faire des couronnes d’Aubépine au 1er mai et d’en installée une à la porte de ma maison ! Et de confectionner avant le premier gèle des petits bouquets avec les fruits rouge serrés d’un ruban ……Pour offrir à ceux que j’aime ! Heureuse de vous lire ! jojo

    Aimé par 1 personne

    • Bonjour et merci pour votre témoignage :) Concernant l’aubépine, il y a tant et tant de croyances, qu’il serait bien étonnant qu’on ne lui ait pas associé cette symbolique dont vous parlez. Selon l’expérience qu’on en a, tel végétal est tantôt bénéfique, tantôt maléfique. Mais ça n’est jamais que de notre seul regard dont il s’agit, L’aubépine, quelles que soient les circonstances, reste l’aubépine :)

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