Synonymes : trèfle d’eau, trèfle aquatique, trèfle des marais, trèfle de castor, trèfle de chêne, trèfle à la fièvre, ményanthe trifolié.
Le curieux nom de ményanthe indique la brièveté de la floraison de cette plante, un nom qu’elle ne porte que depuis le XVI ème siècle, alors qu’auparavant elle est restée ignorée des médecins, des apothicaires et des botanistes. Aussi, la nommer l’a fait exister aux yeux du monde. Pourtant, le ményanthe n’est pas une plante excessivement rare, l’on peut dire même qu’elle est assez commune de la plaine à la montagne, sauf en région méditerranéenne et dans les Pyrénées. Qu’est-ce qui a pu faire que l’homme ne s’en est guère approché pendant des lustres ? Ces lieux de vie peuvent, en partie, expliquer ce que l’on peut qualifier de réticence de la part des hommes : les marais et les tourbières, espaces redoutés, placés entre Ciel et Terre, pour lesquels perdurèrent de nombreuses superstitions, auxquels on rattacha bien des croyances. Des lieux dans lesquels on ne s’aventure pas, car considérés comme dangereux, d’autant plus lorsqu’ils sont vecteurs de maladies. Pourtant, « la providence, en la faisant naître dans les marais, semble l’avoir destinée à combattre le scorbut, les fièvres intermittentes, la cachexie paludéenne, l’empâtement et les engorgements des viscères abdominaux, les scrofules, etc., maladies si fréquentes dans ces lieux malsains » (1). Cependant, pour savoir à quoi l’on peut destiner une plante, il faut bien s’en approcher et force est de constater que l’homme prendra le temps nécessaire pour ce faire, épouvanté qu’il était pas le spectre du paludisme, maladie éradiquée de France au XX ème siècle seulement ! Et les lieux en gardent les traces. Par exemple, ici à Provins, l’on trouve une rue du marais, une rue du val, etc., toutes sises en ville basse dont la création n’a pu être possible qu’après le drainage de la zone qu’elle occupe aujourd’hui, autrefois couvertes de marécages insalubres. En s’approchant du ményanthe, en allant le cueillir – chose qui n’est pas toujours simple et qui demande parfois de s’armer de bottes en caoutchouc ou d’y aller à la nage ! – l’homme a pu mettre cette plante à l’étude, remarquant, comme l’a souligné Cazin, son aptitude à intervenir dans des affections en relation avec l’élément liquide, substrat dans lequel s’épanouit cette plante aquatique. Parmi elles, citons l’arthrite, les rhumatismes articulaires, la rétention d’eau, la suppression des règles par atonie utérine. L’on repéra aussi ses puissantes propriétés antiscorbutiques, son action sur les affections cutanées rebelles (gale, dartre) et les fièvres. Si l’on pousse un peu du côté des correspondances astrologiques, on ne sera guère surpris d’apprendre que le ményanthe est une plante de la Lune.
Vivace, doté d’un rhizome épais et charnu, long de un à trois mètres, flottant ou s’enracinant aux nœuds, le ményanthe ne dépasse guère que de 30 à 40 cm la surface de l’onde dont il fait son écrin. Ses feuilles, portées par un long pétiole, sont formées de trois folioles ovales. Les fleurs s’épanouissent séparément, perchées sur une longue hampe nue, d’avril à juin, un peu à la manière des jacinthes. Ces fleurs, d’un blanc lavé de rose, en grappes peu denses, sont constituées de cinq lobes formant une étoile, et portant à leur surface des barbillons d’un blanc éclatant qui donnent à ces fleurs un aspect barbu et crépu.
Le ményanthe se rencontre de préférence sur sols pauvres en calcaire, soit en bordure d’eau douce ou bien en eau pleine, supportant de deux à quatre mètres de profondeur d’eau, où il forme des colonies composées de nombreux individus.
Le ményanthe en phytothérapie
Autrefois cette plante fut classée dans la famille des gentianes tant sont grandes les similitudes entre elle et la grande gentiane jaune. Pas d’un point de vue botanique, mais au regard de leurs propriétés thérapeutiques. Pourtant, elles sont l’une et l’autre dotées d’un profil biochimique bien dissemblable, comme quoi l’on peut atteindre le même but en empruntant des voies fort différentes, d’autant que dans le ményanthe ce sont les parties visibles qui importent au phytothérapeute, alors que chez la gentiane, le trésor thérapeutique se love sous la terre. En effet, le rhizome du ményanthe, dont on lui connaît la présence d’un glucoside, la méliatine, n’appartient pas à la matière médicale. Les feuilles, qui valurent au ményanthe le surnom de trèfle d’eau, sont constituées par bien des composants : point commun avec la grande gentiane jaune, des principes (très) amers dont la ményanthine. Autre point commun, mais ayant un rapport avec d’autres plantes (grande consoude, tussilage, bourrache), de faibles quantités d’alcaloïdes pirrolizidiniques. Par la présence de coumarine, l’on se rapproche de l’aspérule odorante. Si l’on se questionne sur la présence ou l’absence de tanin dans les feuilles du ményanthe, nous sommes bien certains qu’elles possèdent encore une saponine, une résine, des vitamines (A, C), des sels minéraux et oligo-éléments (fer, iode, manganèse dans des proportions intéressantes en ce qui concerne ce dernier), des flavonoïdes, des acides phénoliques, des phytostérols et, enfin, des glucosides sécoiridoïdes.
Propriétés thérapeutiques
- Excellent tonique amer
- Apéritif, stomachique, vermifuge, cholagogue
- Diurétique
- Dépuratif sanguin, augmente le nombre des hématies
- Emménagogue
- Antimigraineux
- Détersif
Usages thérapeutiques
- Troubles de la sphère gastro-intestinale : inappétence, atonie digestive, digestion difficile, dyspepsie d’origine nerveuse (particulièrement efficace), crampe gastrique, constipation, flatulences, parasites intestinaux
- Troubles de la sphère respiratoire : toux sèche, catarrhe bronchique
- Troubles de la sphère hépatobiliaire : insuffisance hépatique, ictère
- Troubles de la sphère vésico-rénale : hydropisie, rhumatismes, arthrite, goutte
- Rachitisme, convalescence, anémie, asthénie
- Affections cutanées : ulcère, dartre
- Scorbut
- Fièvre intermittente
- Migraine d’origine nerveuse et post-prandiale (2)
- Règles insuffisantes
Modes d’emploi
- Infusion de feuilles.
- Décoction de feuilles.
- Suc frais de feuilles.
- Poudre de feuilles.
- Macération vineuse de feuilles.
- Teinture-mère.
- Cataplasme de feuilles fraîches.
- Sirop antiscorbutique : préparation magistrale composée de ményanthe, de cresson, de raifort et de cochléaire.
Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations
- Récolte : si l’on souhaite utiliser le ményanthe à l’état frais (ce qui est préférable), c’est au mois de mai qu’il faut aller le cueillir, car à cette époque le taux de ményanthine est à son maximum dans la plante. En revanche, celle qui se destine à la dessiccation attendra le mois d’août pour ce faire.
- Séchage : si il y a lieu, il devra se réaliser dans un local bien aéré, à l’ombre. Pour hâter la dessiccation de ces feuilles un peu charnues, il est bon de les retourner de temps à autre.
- A hautes doses, le ményanthe provoque vomissement et purgation, c’est pourquoi l’on se privera de son usage en cas de diarrhée, de colique et de dysenterie. De plus, on élargira cette contre-indication à la femme enceinte.
- Autre espèce : le faux nénuphar ou limnanthème (Menyanthis natans), sans usage médical.
- Usages alternatifs : en temps de disette, le rhizome du ményanthe était convié à la table des plus pauvres en Russie. Quant aux feuilles, leur amertume leur valut de se substituer au houblon dans l’industrie brassicole ; ce sont elles que l’on retrouve dans ale et porter britanniques. Enfin, ces mêmes feuilles permettent d’obtenir une belle teinture jaune.
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1. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 582.
2. « Dans tous les états d’auto-intoxication digestive et leurs manifestations, migraine, maux de tête, malaise général, neurasthénie, mélancolie, hypocondrie et névralgies, il rend les meilleurs services », Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 629.
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