L’aspérule odorante (Galium odoratum)

Synonymes : reine des bois, muguet des bois, muguet des dames, petit muguet, hépatique, hépatique étoilée, hépatique odorante, gaillet odorant, belle étoile, thé suisse, etc.

L’aspérule odorante est une petite plante vivace vivant très souvent en colonies composées de nombreux individus, espèce renforçant son caractère tapissant par sa racine grosse et rougeâtre à rhizome traçant. Ses tiges presque quadrangulaires, cannelées, creuses, portent des feuilles un peu rugueuses (d’où le nom de la plante, d’asper en latin qui signifie âpre, rude), verticillées par six à huit, c’est-à-dire disposées en roue autour de l’axe de la tige. Sa floraison, assez modeste, se compose de petites fleurs blanches à quatre pétales en croix, formant des corymbes au sommet des tiges. Ces fleurs exhalent une suave odeur d’avril à juin, avant de laisser place à des fruits globuleux couverts de poils en forme de crochet. Très fréquente en France, plus rare au Nord, inexistante en région méditerranéenne (sauf en haute altitude : 1600-1800 m), l’aspérule odorante apprécie tout particulièrement les sols humiques des forêts de feuillus, fuyant celles de résineux, les sous-bois clairs, les lieux ombragés, comme peuvent l’être les hêtraies dont les arbres semblent entretenir une relation avec l’aspérule à tel point qu’on a forgé l’expression galio fagetum (hêtraie à aspérules) pour rendre compte de cette association entre l’arbre à faines et la modeste petite aspérule odorante. Pour marquer l’appartenance de l’aspérule à la forêt, elle portait au Moyen-Âge les noms de mater silvarum et de matrisilva.

Que dire de l’histoire de l’aspérule odorante ? Bien peu de chose en réalité. Inconnue de l’Antiquité, elle apparaît pour la première fois dans les écrits d’un moine bénédictin, Wandalbert de Prüm, en 854, s’attachant non pas exclusivement à cette plante, mais au breuvage dans lequel elle est conviée, connu en Allemagne, au Luxembourg, en Belgique, ainsi que dans l’Est de la France (Lorraine, Alsace) sous le nom de vin de mai (maiwein, maitrank), une infusion de la plante fraîche et fleurie dans du vin blanc édulcoré. « On dit que c’est ce breuvage que les jeunes filles apportaient dans une coupe plus ou moins précieuse sans que l’amoureux regardât beaucoup à la coupe quand sa bien-aimée le lui apportait » (1). Vin de mai, le bien nommé, élaboré à la période de Beltane, située entre équinoxe et solstice, fêtant l’exubérance de la nature renaissante. Et à cette époque, il n’y a pas que les bourgeons qui se dressent, ce qui aura fait dire que l’aspérule pourrait mériter une réputation d’aphrodisiaque. Si ce fait n’a pas été établi, le vin de mai, par l’excès que l’on peut en faire, colle, paraît-il, de sacrées migraines…

L’aspérule odorante en phytothérapie

Tout comme son cousin le gaillet gratteron, l’on n’use de l’aspérule odorante uniquement des parties aériennes fleuries. Plante inodore à l’état frais, à l’exception de ses fleurs à l’odeur suave, c’est en séchant que l’aspérule odorante révèle toute sa puissance aromatique. En effet, la plante, en cours de dessiccation, élabore une molécule que l’on connaît bien, la coumarine (1 à 3 %). C’est elle qui participe de son agréable parfum de foin coupé (à l’image du sweetgrass amérindien – autrement dit le foin d’odeur – qui en contient également). En plus de cela, l’on trouve chez elle un hétéroside (aspéruloside), des iridoïdes, des anthraquinones, des flavonoïdes, enfin des principes amers.

Propriétés thérapeutiques

  • Sédative du système nerveux, hypnotique, inductrice du sommeil, antispasmodique
  • Anti-inflammatoire, antinévralgique
  • Stimulante hépatique, cholagogue, digestive
  • Diurétique, antiseptique des voies urinaires, sudorifique
  • Anticoagulante
  • Vulnéraire, détergente, astringente, adoucissante

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère vésico-rénale : colique néphrétique, inflammation des reins et de la vessie, lithiase urinaire, oligurie, rétention d’urine, colibacillose, hydropisie
  • Troubles de la sphère hépatobiliaire : engorgement et congestion du foie, hépatisme, jaunisse, lithiase biliaire
  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : dyspepsie, digestion difficile, indigestion, spasmes gastriques, lourdeur d’estomac, ballonnement
  • Troubles du système nerveux : stress, anxiété, angoisse, nervosité, insomnie (chez l’enfant, le convalescent), neurasthénie, mélancolie, palpitations
  • Troubles du système circulatoire : varice, phlébite, hémorroïdes
  • Névralgie, maux de tête, migraine
  • Affections oculaires : conjonctivite, blépharite
  • Blessure, abcès, enflure

Modes d’emploi

  • Teinture-mère.
  • Cataplasme de plante fraîche.
  • Macération vineuse de plante fraîche.
  • Infusion de plante sèche : rappelons le thé de véronique (véronique officinale 1/3 + mélisse 1/3 + aspérule odorante 1/3) et le thé de ronce (ronce 1/3 + feuilles de fraisier 1/3 + aspérule odorante 1/3).

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : dès la fin du printemps, à partir du moment où la plante fleurit.
  • Séchage : s’il est effectué dans de mauvaises conditions, il y a un risque que les feuilles noircissent. C’est le signe que la coumarine s’est transformée en son dérivé, le dicoumarol ou hydroxycoumarine, substance anticoagulante utilisée dans des produits raticides provoquant de graves hémorragies internes. Dans le doute, mieux vaut s’abstenir d’employer de telles feuilles dans une pratique phytothérapeutique, même s’il est admit que le dicoumarol est pratiquement insoluble dans l’eau et dans l’alcool.
  • Au sujet de la coumarine : cette substance « se comporte comme un agent stupéfiant, hypnotique et anesthésique paralysant le cerveau et l’excitabilité réflexe, sans exercer d’influence sur les nerfs périphériques » (2). Il s’agit là de données concernant la coumarine à l’état pur. A haute dose, elle peut occasionner des maux de tête, des migraines, des nausées, des vomissements, des vertiges, un ralentissement du cœur et une chute de la température corporelle. Mais comme la nature sait parfois être parcimonieuse, l’usage courant de l’aspérule odorante n’expose en rien à ce type de désagréments, vu le faible pourcentage de coumarine qu’elle contient, de même que d’autres plantes à coumarine comme le mélilot officinal et la mélitte, ou bien des huiles essentielles d’Apiacées ou des essences aromatiques d’agrumes ne contenant généralement qu’une faible fraction de cette molécule. Cependant, l’aspérule odorante sera proscrite en cas de grossesse, de règles trop abondantes, ainsi que chez les personnes sujettes à un traitement circulatoire et/ou anticoagulant.
  • Les usages domestiques de l’aspérule odorante ne manquent pas : parfumer les armoires, éloigner les insectes des penderies, confectionner des liqueurs aromatiques, rembourrer des paillasses, teindre la laine (pigment rouge), succédané de tabac, fourrage pour les animaux (l’aspérule semble avoir un effet galactogène sur les vaches).
  • Autre espèce : aspérule à l’esquinancie (Asperula cinanchyca), l’esquinancie étant un terme vieilli désignant l’angine.
    _______________
    1. Anne Osmont, Plantes médicinales et magiques, p. 32.
    2. Henri Leclerc, Précis de phytothérapie, p. 221.

© Books of Dante – 2018

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