Le troène (Ligustrum vulgare)

Synonymes : petit fusain gris, frézillon, trouille, trogne, raisin de chien, puin, puine, truffetier, meuron, fragion, sauveignot, sauvillot, purlin, etc.

Ligustrum. Encore un nom affublé à une plante et dont on ne saurait rien dire. De même que l’étrange troène (autrefois troëne) que le vieux français orthographiait troine après l’avoir emprunté au germanique turgil (l’allemand actuel hartriegel me semble être une dérivation de ce terme).
Abondant en Grèce et en Italie, ainsi le troène fut-il connu des Anciens. Bien avant que l’on ne s’occupe de classer les espèces végétales selon les clés de la botanique moderne, Dioscoride avait déjà repéré une parenté entre le troène et l’olivier : « le troène est un arbre qui produit à l’entour des branches des feuilles qui ressemblent à celles de l’olivier, mais plus larges, plus tendres et plus vertes », ainsi que la confusion, toujours actuelle en ce qui concerne les troènes sauvages, que l’on peut faire entre ses fruits et ceux du sureau : « le fruit est noir, semblable à celui du sureau » (1). Si, effectivement, le troène n’a rien à voir avec le sureau, il est aujourd’hui rangé dans la famille botanique des Oléacées à laquelle l’olivier à donné son nom. Pour le médecin grec, le troène est recommandable dans des affections qui ont perduré à travers les siècles : brûlures, inflammations cutanées, ulcères buccaux. Virgile, poète sensible, remarquait dans ses Bucoliques que « alba ligustra cadunt, vaccinia nigra leguntur » (= les blanches fleurs du troène tombent au sol, ses baies noires se ramassent).

Au Moyen-Âge, que dit-on à propos du troène ? En vérité, peu de chose. Et en mal, comme le relate Hildegarde de Bingen au XII ème siècle. D’après elle, De schulbaum « est froid ; il est comme l’ivraie et ne vaut rien pour les médicaments. Sa sève et ses fruits sont inutiles pour l’homme. Si quelqu’un mangeait de sa graine ou de son fruit, ce serait pour lui comme une sorte de poison » (2). Fort heureusement, quelques siècles plus tard, Matthiole est bien plus inspiré : en 1554, il écrit à propos « de l’huile où ont macéré ses fleurs et qui, après insolation, est de grande efficacité sur les plaies enflammées et contre les maux de tête d’origine biliaire. Il ajoute que l’eau préparée avec ces mêmes fleurs est très utile contre l’entérite, la dysenterie, la diarrhée, l’hémoptysie et les pertes utérines » (3). Puis, après, c’est le trou noir en ce qui concerne le troène, l’arrivée massive de substances étrangères n’y étant très certainement pas pour peu.

Qui ne connaît pas le troène ? Même si son nom ne vous dit rien, vous êtes forcément passé, un jour ou l’autre, auprès de l’un de ses représentants. Il s’agit d’un arbuste atteignant cinq mètres de haut dans la nature, bien plus fréquent comme espèce domestique et donc moins haut parce que taillé pour former des haies. Ses rameaux glabres, de couleur brun verdâtre, portent des feuilles opposées une à une, courtement pétiolées, qui tombent tôt dans la saison ou bien persistent durant tout l’hiver. Ses fleurs, constituant de blanchâtres panicules aux relents aromatiques quelque peu âcres, fleurissent en juin et juillet, puis, fanant, donnent naissance à des baies en forme de bille, tout d’abord vertes, puis noires et luisantes à parfaite maturité.
Le troène, espèce thermophile, se cantonne en basse altitude où il trouve la majeure partie de ses lieux de vie favoris : bois, broussailles, fourrés, lisières de forêts, à condition qu’il s’agisse de lieux frais et assez ombragés.

Le troène en phytothérapie

Dire du troène qu’il fut précieux pour les Anciens (Antiquité, Renaissance) serait exagéré. Disons simplement qu’à l’instar de beaucoup d’autres plantes, il eut un rôle à jouer et qu’un jour il fut dédaigné de la médecine officielle sans pour autant disparaître des usages populaires européens. Par ailleurs, dans d’autres contrées comme la Chine, il poursuit tranquillement sa carrière thérapeutique dont le profil est fort différent de celui qu’on lui attribua en Europe occidentale. Par exemple, en Europe on utilise exclusivement les feuilles et les fleurs alors qu’en Chine on se concentre surtout sur les graines, puis les feuilles, enfin l’écorce. Deux visions très différentes expliquent qu’on ne puisse pas faire appel partout aux mêmes produits végétaux, car elles sont la résultante d’un cheminement séculaire. La graine, en Europe, on se contente simplement de dire qu’elle contient de 15 à 20 % d’une huile dont on n’a jamais fait aucun usage, tandis qu’en Chine c’est la matière médicale principale offerte par le troène. Nous pouvons néanmoins partager quelques données biochimiques : l’écorce et les feuilles du troène présentent à l’analyse une substance amère du nom de ligustron, du tanin, de la résine, du saccharose, du sucrase et de l’émulsine. En revanche l’écorce contient de la syringine absente des feuilles, une molécule hypotensive tout d’abord extraite du lilas, Syringa vulgaris.

Propriétés thérapeutiques

  • Astringent léger (interne comme externe), vulnéraire, détersif, cicatrisant
  • Fébrifuge
  • Antidiarrhéique
  • Pectoral
  • Probablement antihémorragique

Usages thérapeutiques

  • Troubles de la sphère gastro-intestinale : diarrhée, diarrhée chronique, dysenterie, ulcération de l’estomac et des intestins
  • Affections bucco-dentaires : gingivite, stomatite, aphte, ulcération, ulcération scorbutique
  • Troubles de la sphère respiratoire : bronchite, bronchite chronique, angine, refroidissement, maux de gorge
  • Troubles de la sphère gynécologique : métrorragie, métrorrhée, ménorragie, leucorrhée, sclérose atrophique de la vulve (kraurosis)
  • Affections cutanées : dermatite, brûlure légère, coup de soleil, escarre

Note : en médecine traditionnelle chinoise, le nuzhenzi, de saveur douce et amère, est considéré comme un tonifiant de l’énergie des méridiens du Foie et des Reins. Les graines du troène s’administrent contre les douleurs osseuses et tendineuses des genoux et du dos. Diverses préparations luttent contre la nervosité, la dépression ainsi que l’insomnie.

Modes d’emploi

  • Infusion de fleurs et de feuilles
  • Décoction de feuilles
  • Décoction de graines
  • Macération vineuse de feuilles
  • Macération vineuse de graines

Précautions d’emploi, contre-indications, autres informations

  • Récolte : fleurs et feuilles à l’été, fruits (pour l’obtention des graines) en fin d’automne.
  • Toxicité : elle apparaît incertaine, du moins aléatoire. Les baies, autrefois employées comme purgatif, doivent nécessairement avoir quelque effet, mais les avis sur cette question divergent : on dispose de descriptions d’empoisonnements mortels et de témoignages démontrant l’innocuité de ces baies. Les animaux, quant à eux, ne semblent point incommodés par ces baies (merle, grive, perdrix, chèvre) ni par les feuilles de troène (vache, chèvre, brebis).
  • Le bois du troène, très résistant face aux insectes et à la vermine, permet lorsqu’il est jeune, sous forme de rameaux flexibles, des travaux de vannerie. Quant aux baies, noir violacé, elles contiennent un pigment qui fut autrefois utilisé pour donner de la couleur à certains vins qui en manquaient, ainsi que dans l’art de l’enluminure.
  • Cazin nous apprend que « les morilles se plaisent au pied du troène » (4). Aussi, si jamais vous avez chez vous une haie de ces arbustes, surveillez-les, sait-on jamais :)
    _______________
    1. Dioscoride, Materia medica, Livre I, chapitre 106.
    2. Hildegarde de Bingen, Physica, p. 182.
    3. Paul-Victor Fournier, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, p. 940.
    4. François-Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, p. 957.

© Books of Dante – 2017

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