Tout autour de la Méditerranée vivent plusieurs populations de cistes. En effet, ces plantes se comptent par dizaines d’espèces. C’est pourquoi les sources antiques le mentionnent ici ou là, alors qu’en réalité il s’agit de plantes quelque peu différentes. Si la botanique les distingue, on note cependant des emplois assez identiques, qu’on soit en Tunisie ou en Grèce.
Peut-être le premier, Hérodote rapporte que le ciste était déjà exploité de son temps. A l’origine on récoltait sur le poil des chèvres qui courraient les campagnes sèches et arides une substance poisseuse que secrète le ciste par temps chaud, le labdanum. C’est une coutume ayant apparemment perduré, puisque, plus tard, Dioscoride et Pline relatent des faits identiques. Durant l’Antiquité, la Crète est exportatrice de labdanum, autant dire que cette matière constituait alors une véritable manne. Le labdanum crétois (issu de Cistus villosus) fut tout d’abord récolté avec l’aide des chèvres, puis l’ingénierie de l’époque fit appel à un outil, le ladanisterion (1). Il ressemble assez dans sa structure à un râteau. A cela près qu’en lieu et place des dents, on trouve de longues lanières de cuir. A l’aide du ladanisterion, on brossait les cistes dont la gomme résineuse venait adhérer au cuir des lanières. Ce mode opératoire, toujours d’actualité, est, semble-t-il, endémique aux territoires est du bassin méditerranéen.
En Espagne, on coupait les rameaux résineux que l’on faisait ensuite bouillir dans l’eau. De cette cuisson, on retirait un produit noirâtre, à l’odeur ambrée et balsamique, le labdanum.
Ce labdanum (ou ladanum, mais très certainement pas laudanum !) aura été très tôt employé en parfumerie, comme onguent ayant pour vertu d’embellir le corps, mais également en pharmacie. C’est ce que les Égyptiens et les Carthaginois, par exemple, lui réservaient comme usages.
Par la suite, bien qu’on ait reconnu au ciste des qualités astringentes et hémostatiques, topique idéal sur brûlure, plaie et ulcère (Dioscoride, Matthiole), il a été abandonné comme matière médicale, étant réservé à l’exclusif usage de la parfumerie.
Au XIX ème siècle, Cazin mentionne un ciste comme hémostatique, mais il s’agit d’un hélianthème. Début XX ème, Leclerc ne l’aborde pas ; dans les années 40, Fournier nous apprend qu’il n’était plus employé en médecine depuis longtemps. Après lui, même Valnet n’en dit pas un mot. Le retour en grâce du ciste dans la sphère médicinale n’est donc pas très ancien.
Le ciste est un petit arbrisseau à taille humaine. Il porte des feuilles lancéolées de couleur vert foncé qui deviennent d’une teinte gris-vert plombé en raison de la résine qu’excrète la plante durant l’été. Dans le même temps, cette résine protège la plante de la déshydratation. Mais trop de chaleur peut lui être fatal. En effet, le ciste est susceptible de s’enflammer lorsque la température ambiante dépasse 32° C. Mais, une fois de plus, la Nature, bien faite, a tout prévu. Le salut du ciste qui viendrait à s’enflammer réside dans ses organes reproducteurs. Ses grandes fleurs (10 cm de diamètre) blanches, jaunes, roses, parfois rouges, dont les cinq pétales portent une tache cramoisie caractéristique, donnent naissance à des fruits globuleux emplis de petites graines. Ces fruits se présentent sous forme de capsules, assez semblables à des hochets. Or, ces capsules sont ignifugées ! Comme la floraison du ciste se déroule sur des semaines – ce qui occasionne une succession ininterrompue de fleurs – et qu’elle débute à la fin du printemps, les premières fleurs ont tout le temps nécessaire de former des fruits qui, l’été venu, seront à même de se défendre en cas de combustion spontanée. Et d’assurer la perpétuation de l’espèce. Si le ciste se nomme tel quel, c’est en raison de cette caractéristique. Il y a déjà 25 siècles, Théophraste désignait la plante par le mot grec kistos qui signifie tout simplement boîte, capsule. C’est là, je trouve, une magnifique signature ! :)
Le ciste, qui aime les sols arides et secs, le maquis et la garrigue, est un proche compagnon de l’hélichryse. Étonnant mariage d’une plante hémostatique avec une autre qui fluidifie le sang.
Le ciste en aromathérapie
Huile essentielle : description et composition
Si la récolte de l’hélichryse est difficile, celle du ciste l’est tout autant. En effet, le suc épais et collant qui couvre les rameaux – le labdanum – n’en facilite pas le ramassage, d’autant que la récolte se déroule fin juillet-début août, en temps de forte chaleur, néanmoins nécessaire puisque c’est elle qui provoque l’exsudation de la gomme résineuse poisseuse qu’est le labdanum. Une fois coupés, les rameaux (tiges, feuilles, fleurs, résine) sont mis au séchage pendant quelques temps, puis distillés pendant deux à trois heures (2). Le mode d’extraction par entraînement à la vapeur d’eau produit une huile essentielle assez épaisse, de densité égale à 0,92. Le rendement, élevé, est compris entre 5 et 7 %.
Selon la région de production, on distingue deux chémotypes :
- CT pinène (Espagne, Portugal, Corse, sud de la France)
- CT camphène (Maroc, Algérie)
De l’un à l’autre, les constituants sont les mêmes. Seules changent les proportions. Par exemple, le premier contient facilement 50 % d’alpha-pinène, alors que le second quatre fois moins. Le parfum de l’huile essentielle de ciste s’en trouve donc modifié. Mais on peut dire de lui qu’il est résineux, chaud, profond, musqué, ambré, épicé, poivré, balsamique, herbeux… Il est à ce titre très souvent employé en parfumerie (YSL, Azarro, Lolita Lampicka…) comme note de fond et présente aussi l’intérêt de jouer le rôle de fixateur et de remplacer l’ambre gris, d’où le surnom d’ambre végétal que le ciste porte parfois.
A l’heure actuelle, le premier pays producteur mondial de labdanum est l’Espagne.
Propriétés thérapeutiques
- Anti-infectieuse : antivirale, antifongique, antibactérienne
- Immunomodulante et anti-inflammatoire (modératrice des réactions immunitaires et inflammatoires de l’organisme)
- Régulatrice du système nerveux autonome
- Neurotonique, calmante, sédative
- Hémostatique, antihémorragique, vasoconstrictrice veineuse, anti-artéritique, phlébotonique, développe la circulation artéro-veineuse
- Astringente, cicatrisante, régénératrice du tissu cutané, tonifiante et raffermissante cutanée
- Antispasmodique
- Antioxydante
Usages thérapeutiques
- Maladies auto-immunes : polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, rectocolite hémorragique, maladie de Crohn
- Maladies virales (grippe, rougeole, varicelle, herpès labial) et bactériennes (scarlatine, coqueluche)
- Troubles circulatoires : varices, hémorroïdes, jambes lourdes
- Hémorragies : épistaxis, coupure, entaille, ecchymose, plaie (mobilisation des vertus astringentes et hémostatiques du ciste)
- Plaie infectée, ulcère, ulcère putride, cicatrice, crevasse, gerçure, vergeture, escarre, vieillissement cutané, peau fatiguée, rides, acné, psoriasis, eczéma, intertrigo
- Règles abondantes, douloureuses
- Insomnie d’origine nerveuse, épuisement
D’un point de vue psycho-émotionnel…
- Il est question d’attachement avec le ciste (qui s’y frotte s’y colle ^^). Celui-ci peut parfois être excessif dans son attraction, flirtant avec la possessivité. On adressera cette huile essentielle en direction des personnes présentant ces tempéraments.
- La capsule ignifugée du ciste est un symbole très intéressant, puisqu’elle implique l’idée de protection et de résistance face à l’agressivité et à la brutalité du monde extérieur. Si l’on dit du ciste que c’est un baume, c’est parce qu’il enveloppe. Est-ce dès lors surprenant d’apprendre que les anciens Égyptiens employaient la gomme résineuse du ciste lors des cérémonies d’embaumement ? (Embaumer, c’est appliquer un baume.) Soucieux d’apporter le plus grand confort aux défunts dans l’au-delà, les Égyptiens surent exploiter une capacité qu’offre le ciste, celle de transcendance et de conservation de la dignité à travers les épreuves.
- Les fleurs fripées du ciste nous renvoient à des caractères facilement froissables et fragiles, parfois colériques, à des attitudes s’expliquant par l’inquiétude, le souci, l’angoisse, la susceptibilité, le manque de confiance en soi.
Modes d’emploi
- Voie cutanée diluée ou pure (geste d’urgence)
- Voie orale raisonnée
- Diffusion atmosphérique, olfaction
Contre-indications
- Irritation cutanée possible avec l’huile essentielle de ciste CT pinène.
- Prudence durant les trois premiers mois de grossesse.
- On a rapproché la forme du ladanisterion à celle de l’un des deux sceptres pharaoniques, le fouet (flabellum) à triple lanière, le nekhekh. Une thèse, aujourd’hui controversée, voudrait qu’il s’agisse d’un banal chasse-mouche, mais d’autres sources indiquent que ce fouet pourrait avoir une symbolique plus élevée.
- L’obtention de l’absolue de ciste emprunte un chemin quelque peu différent. On fait tout d’abord bouillir les rameaux afin d’en détacher la résine qui couvre les feuilles. Cette dernière, plus légère que l’eau, finit par surnager. Elle est ensuite déshydratée avant d’être traitée aux solvants volatils. Il s’agit de la même méthode que celle dont nous avons parlé pour le jasmin.
© Books of Dante – 2015
En hydrolat, sur la peau comme lotion il a fait des miracles par ici :) Ravie d’en apprendre plus, merci !
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En hydrolat, c’est une bonne alternative, vue la cherté de l’huile essentielle de ciste ^_^ ;-)
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Merci beaucoup pour ce bel article si complet et explicite.
Je m’en sers dans une huile végétale pour mon visage le matin, et je ne sais pas dire son efficacité, en revanche je l’aime pour ce que je pourrais appeler une sorte de résonance en moi…
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L’huile essentielle de ciste a cette tendance : en effet, elle résonne, comme vous dites, de diverses manières selon les personnes. De même qu’olfactivement, on n’est pas également sensible à son parfum :)
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article passionnant! merci
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Merci :)
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