Comme toute plante, le patchouli a une histoire. C’est elle que je vais maintenant vous narrer, aussi imparfaite qu’elle soit.
Quelques rares allégations attestent de l’introduction du patchouli en Europe au temps des croisades, mais, semble-t-il, il est alors peu remarqué et trouve refuge dans quelques jardins. Tout ceci est fort étrange, je n’ai jamais découvert une seule mention à son sujet dans les sources médiévales que je consulte. A mettre sur la liste des points d’interrogation, donc. Bref. Il est vrai que cette plante assez discrète et peu odorante n’est pas très enviable de prime abord, contrairement à nombre de ses cousines de la famille des Lamiacées qui, pour peu qu’on les frôle, exhalent leur parfum : la sauge, la lavande, le romarin et le thym, pour n’en citer que quelques-unes.
En réalité, il est plus probable d’imaginer l’importation du patchouli à une époque plus tardive puisque, dit-on, Napoléon Bonaparte l’aurait rapporté d’Égypte après les campagnes des pyramides, soit au tout début du XIX ème siècle. On le retrouve mentionné un peu plus tard, en 1826, dans une revue de pharmacie sous le nom de patchouly, un mot qui s’inspire de la façon dont on désigne cette plante en Inde et qui veut tout simplement dire « feuille verte ». On l’appellera aussi pogostémon, en référence à ses étamines barbues (sous l’apparence scientifique du latin se cache très souvent une évidence triviale).
En Inde, et dans une bonne partie du sud-est asiatique, le patchouli revêt une grande importance. Par exemple, il était interdit aux castes inférieures de l’employer. Chasse-gardée des brahmanes, il est donc l’apanage du domaine religieux. Très souvent, les épouses des brahmanes se livraient à la peinture corporelle rituelle au henné (Mehndi), dessinant sur la peau d’exquis dessins et se parfumant au patchouli. C’était souvent là, d’un point de vue liturgique, une manière de signifier l’enfantement. En effet, le patchouli porte en lui des symboles d’amour, de fertilité et de prospérité.
Au XIX ème siècle, les comptoirs commerciaux anglais des Indes firent transiter jusqu’en Europe les soies et lainages du Cachemire, dont la particularité était qu’on les emballait dans des feuilles de patchouli qui les garantissaient de l’attaque des mites durant le voyage. Le parfum des feuilles sèches du patchouli ne laissa pas les Anglaises indifférentes, puisqu’elles finirent par les utiliser elles aussi pour parfumer le linge dans les armoires, sous forme de pots-pourris. Où l’on voit que le patchouli est passé du statut d’insectifuge à celui de déodorant. En France, le patchouli va connaître un destin quelque peu différent. En effet, il fut rapidement adopté, comme parfum, par les demi-mondaines parisiennes, des femmes aux mœurs légères entretenues par les riches bourgeois des boulevards de Paris. C’est le patchouli qui est évoqué par Flaubert dans Madame Bovary (1857). Plus tard, c’est sous la plume de Zola, dans Nana (1880), un roman qui raconte la vie d’une lorette (une prostituée) parisienne, que le patchouli sera convié à nouveau. C’est souvent ce qui arrive aux parfums sacrés, ils tombent assez rapidement dans le monde profane (c’est ce que j’indique du reste dans l’un de mes livres). C’est pourquoi le patchouli eut dès lors mauvaise réputation durant une bonne partie du XX ème siècle en Europe, avant de tomber sous la houlette du mouvement hippie des années 60-70. Le patchouli est donc devenu la signature parfumée d’une certaine libération des mœurs. Malgré cette aura licencieuse, le patchouli sera rapidement employé en parfumerie (YSL, Thierry Mugler…), en raison de l’arôme atypique de son huile essentielle, qu’il est temps maintenant d’aborder d’un point de vue thérapeutique.
Le patchouli en aromathérapie
Huile essentielle : description et composition
Avant d’être distillées, les feuilles fraîches sont séchées puis fermentées. Après distillation, cette huile essentielle est vieillie en fût afin qu’elle perde de son amertume. De composition biochimique peu commune, cette huile essentielle est adepte du 1/3 (sesquiterpénols) – 2/3 (sesquiterpènes). De couleur jaune brunâtre ou rougeâtre, parfois verdâtre, l’huile essentielle de patchouli peut être légèrement visqueuse, épaisse et dense (0,95-0,97).
Puissant et persistant, son parfum peut répondre aux adjectifs suivants : épicé, ambré, musqué, âcre, terreux, tourbeux. Transparaissent aussi des notes de bois fumé et de mousse en décomposition. Le rendement, assez élevé, est compris entre 2,5 et 3 %.
Propriétés thérapeutiques
- Tonique veineuse et lymphatique, décongestionnante veineuse et lymphatique, phlébotonique, favorise le retour veineux
- Anti-infectieuse (aléatoire) : antifongique
- Antiparasitaire, insectifuge
- Anti-inflammatoire superbe
- Cicatrisante, régénératrice cutanée, régulatrice des excès de sébum
- Selon les doses : calmante/sédative et tonique/stimulante
- Aphrodisiaque
- Stomachique, carminative
- Anti-allergique
- Décongestionnante prostatique
Usages thérapeutiques
- Troubles circulatoires : insuffisance veineuse, jambes lourdes, varices, fragilité capillaire, hémorroïdes, rétention d’eau, cellulite, congestion du petit bassin
- Troubles gastro-intestinaux : inflammation des muqueuses, infections intestinales, entérocolite infectieuse
- Troubles génito-urinaires : règles douloureuses ou tardives, congestion et adénome prostatiques
- Inhibition de la lactation (sevrage du nourrisson)
- Troubles cutanés d’étiologies diverses : acné, psoriasis, eczéma, impétigo, herpès labial, mycoses, parasitose (gale), crevasses, gerçures, escarres, cicatrice, rides, peaux sèches, asphyxiées, grasses
- Soins capillaires : chute de cheveux
- Insectes : répulsif (mites, moustiques), piqûres
- Frigidité, impuissance
- Asthénie, épuisement
D’un point de vue psycho-émotionnel…
L’on peut dire du patchouli qu’il cherche à nous faire prendre notre temps. Pensez donc ! Son parfum ne se manifeste véritablement qu’une fois à l’état sec (alors que c’est très souvent l’inverse avec les plantes aromatiques). Ce laps de temps durant lequel la dessiccation s’opère autorise une certaine forme de retenue, de concentration. En effet, le patchouli condense ses arômes pour mieux nous aider au rassemblement de nos pensées. Il est donc tout indiqué aux esprits volatiles et pressés. On comprend mieux pourquoi cette plante fut adoptée par les adeptes du « flower power ». Pas de stress avec elle, elle sait bien apaiser les émotions. Il n’y a donc pas urgence. Voyez, lors de sa distillation, le patchouli attend une bonne demi-heure avant de délivrer ses premières molécules. Il est donc parfait pour nous accompagner durant une séance de méditation par exemple.
Modes d’emploi
- Voie cutanée : pure (sesquiterpènes et sesquiterpénols l’y autorise) et diluée
- Voie orale raisonnée
- Olfaction, diffusion atmosphérique
Contre-indications
- Si cette huile essentielle est tonique à doses faibles, elle devient sédative à plus fortes doses. Méfiez-vous des dosages et du moment de la journée auquel les prises ont lieu (tonique le matin, sédatif le soir, c’est quand même mieux).
- Très intéressante en diffusion, l’huile essentielle de patchouli, parce que capiteuse, peut devenir entêtante. Il est alors bon de la mêler à des huiles essentielles plus discrètes.
- Attention de pas employer cette huile essentielle en cas de cancers hormono-dépendants.
- Connue, comme nous l’avons dit, en parfumerie, l’huile essentielle de patchouli est de plus en plus utilisée en cosmétique et en savonnerie.
© Books of Dante – 2015