La myrrhe : parfum, encens, médicament…

myrrhe

Bien que l’usage thérapeutique de la myrrhe soit tombé dans une relative désuétude, il n’en reste pas moins qu’elle jouit depuis fort longtemps d’un statut tel qu’elle est, par exemple, citée dans la Bible. Les Égyptiens l’utilisaient lors des procédures d’embaumement, il y a de cela trois à quatre mille ans. C’est sans doute eux qui firent de la myrrhe l’une des plus anciennes substances employées en cosmétique ainsi qu’en parfumerie. En Égypte antique, elle était rituellement brûlée le soir et entrait dans la composition du kyphi – l’un des parfums sacrés égyptiens – et donc voici la liste des ingrédients rapportée par Plutarque : « C’est un mélange composé de seize ingrédients : miel, vin, raisin, souchet, résine, myrrhe, aspalathos, séselis, lentisque, bitume, jonc et patience auxquels on ajoute des grains de genévrier, du cardamome et du calame. Le mélange des ingrédients ne s’effectue pas au hasard, mais selon des recettes sacrées que l’on lit aux parfumeurs pendant la préparation. »
Ainsi, dès l’Antiquité, la myrrhe est-elle encens sacré et matière à parfum extrêmement recherchée, que ce soit chez les Grecs, les Romains, les Égyptiens, les Hébreux ou les Perses. Il y a près de trente-cinq siècles de cela, la reine égyptienne Hatchepsout organisa des expéditions sur la côte des Somalis pour en importer de l’or, de l’ébène, de l’ivoire, des animaux, mais par-dessus tout de la myrrhe, cette gomme résineuse qui peut naturellement exsuder d’un petit arbuste que l’on appelle communément arbre à myrrhe. Ce sont vraisemblablement les effets antifongiques et bactéricides de la myrrhe qui intéressèrent les embaumeurs égyptiens. Ce fut une matière végétale très étroitement liée à la mort, puisque les bandelettes – vêtements de lumière – utilisées lors des embaumements étaient abondamment imprégnées de myrrhe. Il est somme toute normal que les Égyptiens virent en elle matière à embaumement et qu’elle fut retrouvée bien plus tard dans de nombreux sarcophages. La myrrhe est donc liée « à l’énergie nocturne, à l’obscurité et à la mort car elle servait à l’embaumement des défunts en vue de leur assurer la vie éternelle au pays du soleil couchant. » De plus, lorsque les Égyptiens célébraient leurs morts à l’occasion de banquets, ils se frictionnaient le cuir chevelu à l’aide d’un onguent parfumé de myrrhe, alors que les Hébreux la mêlaient au vin afin d’obtenir un breuvage sédatif qu’on administrait aux mourants afin d’atténuer leurs souffrances. Cette symbolique mortuaire se retrouve en l’image du phénix qui « dispose de la myrrhe te de l’encens […] pour construire son nid, il va même jusqu’à les véhiculer, avant de se consumer sur le bûcher qu’il a dressé en amoncelant les substances parfumées de toutes espèces. »
De l’autre côté de la Méditerranée, les Grecs firent eux aussi grand cas de la myrrhe. Comme ils le font encore aujourd’hui avec le retsina, un vin blanc additionné de résine de pin, ils mélangeaient au vin de la myrrhe. Démocrite, mentionne l’existence, au V ème siècle av. J.C., de l’hermesias, un mélange composé de safran, de miel, de pignons de pin broyés, de lait et de vin de palmier. Il était conseillé « d’en boire avant de procréer, après la conception, ainsi qu’aux mères qui allaitent afin d’obtenir des enfants remarquables par les dons de l’esprit et la beauté. »
Tandis que les Égyptiens voyaient dans la myrrhe la symbolisation des larmes d’Horus, selon la mythologie grecque, la myrrhe serait née des relations incestueuses de Myrrha avec son père Cinyrus. Aphrodite, jalouse de la beauté de la jeune fille, instilla en elle la folle idée de l’inceste. « Lorsque son père s’aperçut de la faute à laquelle sa fille l’avait amené par ruse, il la poursuivit pour la tuer. Suppliant les dieux de la protéger, ceux-ci la transformèrent en arbre à myrrhe, aux larmes de résine odorante », quoique amères.

Myrrha

Couramment brûlée lors d’offices religieux afin d’honorer les divinités (cf. le papyrus magique de Leyde), la myrrhe brille par sa présence au sein du Cantique des cantiques, dans lequel elle n’est citée pas moins de sept fois ! Elle semble lourdement chargée d’érotisme comme semble nous l’indiquer le passage suivante : « Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe qui repose entre mes seins. » Sachant que la myrrhe est anaphrodisiaque, il est sans doute bon de ne pas prendre cette allégation au pied de la lettre, mais plutôt d’y voir une référence à l’amour christique, même si on peut en douter. Cependant, le grand papyrus magique de Paris parle de la myrrhe dans un sens assez similaire lorsqu’il dit ceci : « Tu es la myrrhe, la myrrhe amère, la forte [à ne pas confondre avec la myrrhe douce, c’est-à-dire le bdellium ou opopanax], celle qui pacifie les combattants, toi qui fais sécher et contrains à aimer ceux qui ne connaissent pas Éros »…

N’oublions pas Gaspard, l’un des trois rois mages, venu apporter la myrrhe à l’enfant Jésus… De même, n’omettons pas de préciser que le Christ fut embaumé d’un mélange d’aloès et de myrrhe, cette dernière incarnant une symbolique de finitude terrestre et de déliquescence charnelle… Il est plus probable que la myrrhe offerte à Jésus n’en fut pas. Il s’agirait vraisemblablement de stacté – dont Pline l’Ancien nous dit qu’il était bien plus précieux que la myrrhe -, c’est-à-dire une substance fabriquée à partir du bois de l’arbre à myrrhe, que l’on cuisait dans l’eau, puis que l’on filtrait.

Certains trouvent dans le parfum de l’huile essentielle de myrrhe comme une « odeur d’hôpital », ce que ne dément pas l’ambiance un peu « fraîche », sinon « froide », qu’elle peut produire en fumigation, ainsi que l’odeur du champignon mêlée de sous-bois et d’humus que dégage cette huile essentielle. Malgré cela, la myrrhe, davantage peut-être que l’encens d’oliban, est véritablement l’huile du mystique, elle suscite méditation, contemplation et admiration religieuse.

Myrrhe_larmes

Grand arbuste ou petit arbre, l’arbre à myrrhe excède rarement trois mètres de hauteur. Épineux et buissonnant, il présente un ensemble de branches noueuses et enchevêtrées. Ses feuilles, petites et ovales, sont constituées de trois folioles. Durant l’été, de petites fleurs rouges couvrent l’arbuste alors que son tronc se boursoufle de cloques. Naturellement, la myrrhe s’écoule de ces gonflements du bois. Elle forme des larmes rougeâtres ou jaunâtres, irrégulières, lisses ou rugueuses, à cassure vitreuse ou huileuse. Elle se récolte également après avoir entaillé l’écorce de l’arbre. De la même manière, les larmes apparaissent.
On trouve ce petit arbre au nord-est de l’Afrique, dans la péninsule arabique ainsi qu’en Asie occidentale. Les principaux pays producteurs sont le Yémen, l’Éthiopie, l’Arabie, l’Iran et l’Érythrée.

La myrrhe en aromathérapie

Description et composition

On ne peut pas dire que la fille ait fait les choses à moitié. Elle recèle des molécules à nulles autres pareilles, et dont les noms « exotiques » nous rappellent que la myrrhe n’est pas native de nos terres grasses et boisées ; sèches et chaudes, en réalité. En très grande partie, ces molécules se regroupent sous la bannière des sesquiterpènes, jusqu’à 80, voire 90 % du totum. L’huile essentielle de myrrhe n’est pas sans rappeler celles de nard de l’Himalaya, de cèdre de l’Atlas, de patchouli, d’ylang-ylang… par cette forte proportion de sesquiterpènes. Ce sont les concrétions cristallines que l’on distille à la vapeur d’eau. Les larmes de myrrhe, dont la taille va de celle d’une noisette à celle d’un œuf de passereau (on trouve parfois des larmes de 200 g, bien que rarement), donnent, à la sortie de l’alambic, une huile essentielle « lourde », épaisse ; c’est un liquide de couleur ambré, brun jaunâtre ou davantage rougeâtre. Boisé, épicé, balsamique, oriental, tels sont les adjectifs auxquels on peut faire référence face au parfum de cette huile essentielle douce mais néanmoins amère.

Propriétés thérapeutiques

Vous allez pouvoir vous en rendre compte par vous-même, la myrrhe, ça ne sert pas qu’à être brûlé sur un charbon ardent ^^

  • Anti-infectieuse : antibactérienne à large spectre d’action, antivirale, antifongique, antiparasitaire
  • Anti-inflammatoire, antalgique, analgésique
  • Antioxydante
  • Ulcéroprotectrice
  • Cicatrisante, vulnéraire, régénératrice cutanée
  • Modératrice endocrinienne : anaphrodisiaque, thyréomodératrice
  • Psychoactive, calmante

Usages thérapeutiques

  • Troubles gastro-intestinaux : inflammations bucco-pharyngées, inflammations du tube digestif, gastro-entérite, diarrhée, dysenterie, parasitose intestinale (ascaris), stomatite, aphte
  • Troubles cutanés : plaie, gerçure, coupure, eczéma sec, psoriasis, escarre, cicatrice, ulcère, dermatoses, dermatites, abcès
  • Troubles ORL : rhume, pharyngite, amygdalite, bronchite
  • Troubles dentaires : gingivite, maux de dents, ulcères gingivaux
  • Douleurs articulaires, arthrite
  • Troubles endocriniens : hyperthyroïdie, excitation sexuelle, obsession sexuelle
  • Stress, tristesse, angoisse profonde, panique

Modes d’emploi

  • Usage interne
  • Usage externe
  • Diffusion atmosphérique, olfaction

Contre-indications et usages alternatifs

  • Bien que cette huile essentielle ne présente pas de contre-indications aux doses physiologiques, on la réservera à l’adulte.
  • La myrrhe entre dans la composition du baume du commandeur ainsi que dans celle de l’élixir de Garus. On la trouve même dans la bénédictine. Qui a dit que la myrrhe n’était pas spiritueuse ? ^^

© Books of Dante – 2014

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arbre à myrrhe

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