Très tôt, l’Église chrétienne tenta par tous les moyens d’éradiquer les anciennes pratiques païennes qu’elle considérait d’un autre âge et donc nécessairement d’origine diabolique. Le culte des arbres n’y fit pas exception. C’est pourquoi, contrairement à saint Éloi et saint Audouin qui préconisèrent l’abattage pur et simple des arbres dits sacrés, l’Église changea son fusil d’épaule. A peu de frais, en bénissant ces arbres et en y plaçant des images de la Vierge (cf. image 1 : le chêne à la Vierge à la Guerche-de-Bretagne), elle christianisa des arbres où l’on sacrifiait auparavant aux divinités païennes. La tâche ne fut cependant pas aussi simple que cela, car les panthéons grecs et latins comptent une profusion de divinités qu’on remplaça petit à petit par la Vierge Marie et les différents saints et saintes. Ainsi, à saint Jean furent attribués les arbres et les plantes solaires, par exemple.
Aujourd’hui encore, on peut constater à quel point les vaines tentatives de l’Église chrétienne furent utopiques. Par exemple, la pratique qui consiste à couvrir un arbre de bandelettes de tissus n’est autre qu’un héritage païen que l’on retrouve en l’image des ex-voto qui ornent ce que l’on appelle les arbres à loques (cf. image 2 : l’arbre de saint Claude à Neuville-Coppegueule). D’une part on évoque la Vierge et un saint, d’autre part des arbres, dont le chêne, qui ne sont pas moins que des témoins d’un âge païen autrement plus ancestral. Ainsi « l’Église […] a fait tout ce qu’il fallait pour perpétuer les superstitions qu’elle prétendait vouloir extirper » (Angelo de Gubernatis, La mythologie des plantes, Tome 1, p. 223). Ces ex-voto, dans leur emploi et leur charge symbolique, ne sont pas tellement éloignés de ce qui se faisait en Inde où on suspendait aux arbres des socs de charrue, figuration explicite et évidente d’un culte agraire. Cela n’est donc pas sans rappeler ces arbres tout occidentaux et encore bien réels qui se couvrent de lanières de tissus multicolores, les arbres à vœux, qui disent, encore aujourd’hui, toute la soit-disant superstition que l’Église a cherché à combattre.
Là où l’action de l’Église chrétienne a été la plus pernicieuse, c’est sans doute dans celle qui réside à avoir fait des forêts, à la fois temple et asile, des lieux hantés. En effet, quel meilleur moyen d’empêcher le peuple de pénétrer dans les bois pour y honorer les divinités païennes que d’inventer la présence de démons dans ces mêmes forêts ? Cela est tant inscrit dans la mémoire collective qu’un proverbe russe indique qu’il ne peut sortir qu’un hibou ou qu’un sorcier d’un vieil arbre. Il en est de même en Sicile où les paysans prennent grand soin de ne pas s’endormir sous les arbres afin de ne pas être obsédés durant leur sommeil par les démons qui, parait-il, s’y cachent.
Ainsi, la forêt riche de mystères et de miracles est devenue la « gaste forêt » dans laquelle il ne vaut mieux pas s’aventurer, chose qui a été relayée par bien des contes européens. C’est la demeure de la sorcière et du revenant (Sleepy Hollow), celle du loup (Le petit chaperon rouge), des hors-la-loi (Robin des bois), de la pauvreté et de la solitude (dans Perceval le Gallois, la pucelle misérable erre seule dans la forêt), etc.
© Books of Dante – 2014
Et malgré tout, nombreux sont encore ceux qui aiment les forêts et y vont juste pour sentir le pouls du monde…
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Vieux hibou ou sorcier ?
Un jour je suis montée dans un mirador lors d’une ballade en forêt. Ce que j’y ai trouvé : une bouteille de gniole vide et une revue porno.
Depuis je m’habille en homme lorsque je vais au fond des bois, avec moustache et tout…..
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