Vous avez sans doute le souvenir de ces petits champignons tout rebondis, au chapeau rouge constellé de petits points blancs qui constituent une partie du décor sur une bûche de Noël ?
Bien, aujourd’hui, au-delà de ce pur aspect décoratif, nous allons nous pencher sur deux représentantes du genre amanitacées : l’amanite phalloïde et l’amanite tue-mouche.
Bien qu’arborant de riches couleurs, l’amanite tue-mouche n’est pas la plus dangereuse des deux, loin s’en faut. Dangereuses ? Oui, si notre petit champignon de Noël est comestible, il en va tout autrement de ces deux beautés vénéneuses que l’on trouve dans la nature. Phalloïde et tue-mouches sont toutes deux dangereuses. Si cette dernière n’est pas mortelle, il en va tout autrement de la première dont les couleurs fades ne laissent rien présager. Décortiquons-les.
1. Descriptif
A droite, l’amanite phalloïde, à gauche l’amanite tue-mouche. Ces deux vues concernent chacun de ces champignons dans leur jeunesse respective.
Maintenant, nous les voyons alors qu’ils ont grandi. Le chapeau s’est développé et aplani. Celui de l’amanite phalloïde arbore une couleur vert jaunâtre, voire olivâtre, alors que celui de l’amanite tue-mouche porte cette caractéristique couleur rouge vif constellée d’excroissances verruqueuses blanches.
Chacune d’elles porte un large anneau dans la partie supérieure, des lamelles blanches à l’intérieur du chapeau, ainsi qu’une volve que l’on voit très bien sur chacune des deux dernières images : à la base du pied, elle joue le rôle de gaine enveloppante.
On pourra rencontrer des spécimens isolés ou en colonies en Europe dans les bois clairs, les bois de feuillus (à proximité du bouleau, entre autres…) et les bois mixtes plus particulièrement. A l’automne surtout, même si l’amanite phalloïde peut pointer le bout de son nez dès l’été.
2. Historique
Comment ne pas évoquer la mort par empoisonnement de l’empereur romain Claude par sa seconde femme Agrippine afin que le fils de cette dernière, Néron, monte sur le trône ? Claude étant friand de champignons, en particulier de ceux qu’on nomme amanite des césars, par le biais de Locuste, Agrippine ajouta à ce plat comestible quelques amanites phalloïdes. Pris d’horribles douleurs intestinales, Claude se fit vomir comme c’était de coutume à l’époque avant d’y revenir. Agrippine paracheva le travail en lui faisant ingurgiter une mixture à base de coloquinte, une petite cucurbitacée dont le suc est violemment purgatif et dangereux. Ainsi donc, Néron prit place sur le trône en lieu et place de Britannicus, l’un des fils de Claude né d’un premier mariage, mais ce dernier présentant une gêne, il fut également empoisonné un an plus tard…
A la fois porte-bonheur et maléfique, très connue mais malgré tout mystérieuse, l’amanite tue-mouches fit des adeptes parmi de nombreux artistes, en particulier le peintre Jérôme Bosch (1450-1516) dont certains historiens d’art estiment qu’il aurait peint un certain nombre de ses toiles alors qu’il était sous son emprise.
Champignon hallucinogène, l’amanite tue-mouches est utilisée par les chamans du nord de l’Asie, en Sibérie et en Laponie, entre-autres.
Entracte : nous nous en rendons compte, impossible d’évoquer l’histoire de ces deux champignons sans faire référence à leurs propriétés hallucinogènes et psychotropes. Ce que nous allons évoquer dans la partie suivante.
3. Composition et pouvoirs
L’amanite phalloïde, champignon le plus toxique d’Europe, contient des peptides (amatinine), des alcaloïdes (phalloïdines), etc. La dose létale est atteinte avec 40 à 50 g de ce champignon à l’état frais. Les effets toxiques sont lents à se manifester après ingestion. On considère que plus le temps entre la consommation d’un champignon toxique et l’apparition des symptômes se fait plus long, et plus l’intoxication est grave.
En ce qui concerne l’amanite phalloïde, le délai d’incubation peut aller de huit heures à deux semaines ! (Généralement de 6 à 24 h, le plus souvent de 8 à 12 h).
Lors d’une intoxication avec ce champignon, on voit apparaître les effets suivants : troubles digestifs, vomissements incessants, diarrhées abondantes, liquides et sanguinolentes, crampes abdominales, déshydratation sévère, chute de la tension, destruction des cellules hépatiques et rénales, mort par hémorragie interne et hypoglycémie
En cas d’intoxication, on peut mettre en place les mesures suivantes : lavage gastrique, charbon actif, hospitalisation en service de réanimation, injection de pénicilline, prise de silybine (principe actif hépatoprotecteur présent dans le chardon-marie et constituant le principal antidote de l’amanite phalloïde). Le problème réside dans le fait que lorsque les premiers symptômes apparaissent, les dégâts causés au foie sont déjà importants. Dans le pire des cas, une greffe de foie s’avère nécessaire.
A la lumière des faits exposés ci-dessus, nous pouvons dire que l’amanite phalloïde n’a pas usurpé son titre de champignon le plus toxique d’Europe. Elle est responsable de 95 % des intoxications mortelles et de 90 % des empoisonnements graves en France. Le plus souvent, l’intoxication involontaire est à mettre sur le compte d’une méconnaissance, la reconnaissance d’un champignon toxique ou non passant par sa préalable connaissance. Ainsi, l’amanite phalloïde est couramment confondue avec d’autres amanites comestibles et appréciées : Amanita caesara, Amanita vaginata, Amanita solitaria, etc.
L’amanite tue-mouches, bien que plus spectaculaire que la précédente, n’est pas si dangereuse. Elle contient des acides gras ainsi que de l’acide iboténique qui sont à même de tuer les mouches ainsi que d’autres insectes, ce qui explique le nom de ce champignon.
Le chapeau de l’amanite tue-mouche doit sa couleur à des pigments appelés bétalaïnes également présents dans la betterave rouge, mais ceux-ci n’ont pas d’action psychotrope.
Ce qui rend la consommation de ce champignon dangereuse, c’est la présence d’un alcaloïde, la muscarine, mais présente en si petite quantité (de l’ordre de 0,0002 %) que ses effets sont loin d’être aussi dévastateurs que ceux de l’amanite phalloïde.
Les toxines de ce champignon attaquent le système nerveux et le temps de latence est bien plus rapide que celui de l’amanite phalloïde : les effets se font sentir ½ heure à trois heures après ingestion. On peut alors observer l’ensemble des troubles suivants : troubles digestifs, sudation et salivation excessives, angoisse, rétractation de la pupille, tachycardie, convulsions, pseudo ébriété (avec excitation ou somnolence), vertiges, agitation, modification de la perception dans l’espace, modification de la perception de la personnalité, hallucinations et visions
Bien que la liste des effets de ce champignon soit assez longue, on observe une régression des symptômes au bout de vingt-quatre heures. Ceci dit, il est toujours possible d’accélérer la désintoxication par les moyens suivants : charbon actif, laxatifs, sédatifs, anticonvulsivants, hospitalisation (parfois nécessaire mais plus rarement que dans un cas d’intoxication à l’amanite phalloïde).
Revenons à la liste des effets. J’ai noté : hallucinations et visions. C’est pour cette raison que l’amanite tue-mouches est utilisée par les chamans en Sibérie et en Laponie, entre-autres. Là-bas, on n’hésitera pas à échanger un renne contre un seul de ces champignons qui, si l’on en croit l’expérience, est beaucoup plus actif consommé une fois sec qu’à l’état frais.
Voici ce qu’en dit John Mann dans son ouvrage de 1996, Magie, meurtre et médecine : « Les champignons sont séchés, puis mangés en larges morceaux et ingérés à l’aide d’eau froide. Au bout d’une demi-heure environ, la personne est complètement ivre et intoxiquée et fait l’expérience d’extraordinaires visions. Ceux qui ne peuvent pas payer le prix plutôt élevé des champignons boivent l’urine de ceux qui en mangent, à la suite de quoi ils sont tout autant intoxiqués, voire plus. L’urine paraît plus puissante que le champignon lui-même et ses effets perdurent jusqu’au quatrième ou cinquième homme ».
Au-delà de ces usages psychotropes de base, n’oublions pas que le chaman ingère savamment ce champignon afin de l’aider à entrer en transe, ce qui a pour but de voir son esprit traverser par les plantes qui permettront la guérison de ses patients malades. Il ne s’agit donc pas là d’une « défonce » crasse et gratuite, je tiens à le souligner, mais d’une recherche visionnaire incluse dans un rituel de guérison.
N. B. : Agaricus phalloides et agaricus muscarius sont deux remèdes homéopathiques.
© Books of Dante
Hihihi, les petits champignons mignons…..
On peut voir dans le film Blueberry de jan Kounen une séquence de plusieurs dizaine de minutes de visions totalement hallucinantes .
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L’amanite tue-mouche peut aussi être utilisé de façon médicinale, en microdose, il a alors des propriétés anxiolytique et sédative: https://psychedeliques.home.blog/category/amanite-tue-mouche/
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