Rare et mystérieuse, la mandragore a fait et fera encore couler pas mal d’encre. Difficile de terminer le quatuor des solanacées sorcières autrement que par cette plante magique dotée de multiples pouvoirs, avérés ou irréels.
Bien connue des Romains, mais aussi des Grecs comme la plante de Circée, Hippocrate la mentionne dans son Corpus hippocraticum et lui reconnaît des vertus sédatives et soporifiques, qu’elle partage avec ses trois consœurs que sont datura, jusquiame et belladone. Pline lui accordera des pouvoirs anti-inflammatoires et des vertus propres à calmer les douleurs oculaires. Quant aux Égyptiens, ils virent en elle un symbole d’amour.
Les légendes, croyances magiques et autres superstitions n’ont pas manqué de virevolter autour de cette plante. Par exemple, on dit qu’à l’automne ses fleurs émettent une lueur blanchâtre comme celle d’une lanterne ! Son origine semble provenir de la semence des pendus. C’est pourquoi certains auteurs expliquent qu’on la trouvera plus facilement sous les gibets. La strangulation par pendaison peut provoquer une ultime érection et éjaculation, d’où cette idée. Pendant longtemps, il a été difficile de déterminer si cette plante naissait d’une graine ou bien de la semence (autre forme de graine) d’un pendu. Le mort envoie la vie à la terre, l’ultime soubresaut de la Vie (le pendu) donne naissance à une plante aux pouvoirs magiques (espérons que certains pendus ne le furent pas seulement en fonction de cette fameuse légende…) C’est sans doute de cette légende que la mandragore tire sa réputation d’aphrodisiaque et qu’elle a été utilisée lors de rituels de fertilité.
On lui a aussi associé d’autres pouvoirs : la capacité de révéler l’avenir et de procurer la richesse. Autant de pouvoirs ne pouvaient que susciter l’envie et le désir de posséder une mandragore. C’est pourquoi les rituels d’arrachage de la fameuse racine anthropomorphe – dont on distinguait jusqu’au XVIII ème siècle les caractères mâles et femelles – furent si alambiqués.
Selon Hermès Trismégiste, il faut procéder en trois jours en traçant trois cercles magiques autour de la mandragore avec une épée, puis procéder au déchaussage de la mandragore à l’aide d’une pelle d’ivoire et finir par couper la racine avec l’épée. Dès que ceci est effectué, il faut impérativement envelopper la racine dans une étoffe et éviter absolument de la toucher du fait des émanations qui s’en dégagent.
Paracelse indiquait qu’il fallait opérer en pleine nuit, un vendredi, en compagnie d’un chien noir. Ensuite, attendre un orage et arracher la racine de mandragore à la lueur des éclairs. Pour la rendre magique (mais ne l’est-elle pas déjà sans cela ?), il fallait la placer pendant une trentaine de jours dans la fosse d’un cimetière, puis la sécher au four en l’enveloppant d’un morceau de linceul.
D’autres méthodes indiquent l’emploi d’un chien qu’on liait à la mandragore à l’aide d’une corde. L’animal arrachait ainsi la racine mais mourrait aussitôt. Cette pratique a été constatée en Italie jusqu’au XIX ème siècle.
Peut-être que l’ensemble de ces préparatifs, rébarbatifs pour certains, était un moyen d’éviter un arrachage massif de racines de mandragore qui suscitait la convoitise, tant étaient grands ses pouvoirs, dont, par exemple, celui d’apporter richesse à qui en possédait une. En ce sens, on indiquait que pour un sou donné, on en recevrait deux. Au-delà de cette logique fiduciaire, c’est davantage ses vertus curatives qui faisaient d’elle un symbole d’efficacité spirituelle, plante dont les bienfaits étaient conditionnés par un dosage savamment effectué.
Les précautions nécessaires à son extraction étaient donc très utiles. Il existe cette fameuse légende selon laquelle une racine de mandragore hurle à tel point que l’arracheur imprudent en devient fou quand ce n’est pas une tempête que le cri déclenche. Sans doute pour dissuader les envieux…
Dès lors qu’on était en possession d’une racine de mandragore, il était indiqué de la laver au vin rouge, de l’envelopper dans un morceau d’étoffe, puis de la conserver dans une boîte garnie de soie. Par la suite, on la baignait au moins quatre fois l’an, parfois chaque vendredi et en la parant de neuf à chaque nouvelle Lune.
Cependant, au milieu du XVII ème siècle, les botanistes doutèrent de plus en plus des pouvoirs supposés ou réels de la mandragore. Les vertus thérapeutiques de la mandragore passaient pour narcotiques, résolutives et rafraîchissantes. Mais on peut se demander si la main de gloire fut vraiment utilisée dans ces buts médicinaux-là, compte tenu de la cherté de cette plante…
Étrangement, bien qu’étant la plus connue des solanacées présentées ici, il est plus qu’évident qu’elle est nimbée d’une aura de mystère, à l’image de son nom dont l’origine même reste incertaine à ce jour… Le Capitulaire de Villis lui donnera le nom de malum terrae, autrement dit : mal de terre, étymologie dont Hildegarde de Bingen semble s’inspirer lorsqu’elle dit ceci de la mandragore : « De forme humaine, [elle] est constituée de la terre dont fut pétri le premier homme d’où le fait qu’elle est plus exposée que toutes les autres plantes aux tentations des démons. »
A première vue, elle ressemble à une grosse salade. Une rosette de grandes feuilles plissées et à marges irrégulières émerge du sol. Petite, elle ne dépasse pas les trente centimètres. Des tiges accueillent des fleurs de couleur mauve pâle au printemps, puis des fruits ronds semblables à des tomates jaunâtres. Sa longue racine ressemble à celle du panais mais peut se diviser, ce qui donne à l’ensemble une ressemblance avec un corps humain (parfois, il faut forcer l’imagination).
Elle pousse sur sols secs et légers, particulièrement en Italie, dans les Balkans et en Asie Mineure.
© Books of Dante – 2009
Salut, merci pour le post, la photo de mandragore, elle serait pas extraite du Film « Le Labyrinthe de Pan »? =D
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Bonsoir,
En effet, cela y ressemble, mais non. C’est l’image d’une racine de mandragore qui se trouve au musée de la sorcellerie de Ségovie, en Espagne :)
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