Synonymes : Porcelet, Fève à cochons, Jusquiame noire, Herbe aux engelures, herbe aux teigneux, Herbe aux dents, Hannebane, Mort aux poules.
Le mot hyoscyamus est la traduction littérale de l’un de ses surnoms : fève à cochons. Niger, noir, en raison du cœur noir des fleurs de jusquiame, mot qui n’apparaîtra qu’au XIII ème siècle. Avant cela, on l’appellera chanillia.
En anglais, elle se nomme herbane qui signifie « tue-poule » en raison de ses conséquences toxiques sur ces animaux et en allemand bilsenkraut.
La jusquiame, moins médiatique que ses sœurs belladone et mandragore, n’en demeure pas moins une plante dont les usages remontent à loin. Bien qu’elle soit une espèce rudérale originaire d’Orient, son rôle dans la pharmacopée occidentale est loin d’être négligeable. Comme toutes les plantes magiques, il circule beaucoup de légendes et d’anecdotes à propos de la jusquiame.
Des documents égyptiens et babyloniens la mentionnent ainsi que le fameux Corpus hippocraticum. Homère lui-même fit la description de boissons magiques dont les effets laissent penser que l’ingrédient principal devait être la jusquiame. La Grèce antique l’utilisait afin de simuler la folie et donner le don de prophétie. D’ailleurs, les prêtresses de l’oracle de Delphes n’inhalaient-elles pas de la fumée de jusquiame ?
Les Romains ne furent pas en reste, en l’occurrence à travers la fameuse thériaque, un mélange de multiples plantes sensé être une panacée qui devait guérir tous les maux. C’est un médecin de Néron à qui l’on doit cette préparation qui traversa les deux premiers millénaires de l’ère chrétienne : Andromaque l’ancien. Ce remède qui contenait entre autres pavot et jusquiame fut en vigueur dans la pharmacopée française jusqu’en 1884 !
Plus tard, au Moyen-Âge, les usages se multiplient, pouvoirs magiques et curatifs de la plante étant étroitement liés.
Largement utilisée en sorcellerie, Albert le Grand nous indique qu’au XIII ème siècle les nécromanciens l’utilisaient pour conjurer les démons. Mais ce qui la caractérise par dessus tout, c’est l’impression qu’elle suscite chez le consommateur : celle de ne plus toucher terre et d’être ainsi suspendu en l’air en raison des hallucinations et ivresse qu’elle procure. Cela est un fait relaté dans les procès de sorcellerie qui eurent lieu en Europe entre le XIII ème et le XVII ème siècle.
D’un point de vue médicinal, les recettes médiévales exploitèrent largement les vertus encore aujourd’hui connues et avérées de la jusquiame : on respirait les vapeurs des graines rôties contre maux de dents et névralgies dentaires, ces mêmes graines furent utilisées en décoction pour combattre les tremblements des membres et les maux d’oreille, on l’utilisa comme analgésique lors d’opérations chirurgicales…
La jusquiame eut d’autres usages à travers les coutumes et traditions germaniques : elle était utilisée pour parfumer la bière afin de rendre ses consommateurs euphoriques mais cet usage tomba sous le coup d’une interdiction en 1516.
La jusquiame est une plante annuelle, voire bisannuelle d’environ 80 cm de hauteur à pleine maturité. Ses tiges sont robustes, ses feuilles découpées, ovales et collantes. Des poils glanduleux recouvrent la plante.
La floraison se caractérise par des fleurs jaune-brun en larges cloches de 2 à 3 cm veinées de pourpre à la gorge contenant en leur centre cinq étamines violettes. La floraison s’étale entre mai et septembre. La fructification donne lieu à la production de capsules à deux loges qui s’ouvrent à maturité par un couvercle au sommet, lesquelles sont emplies de graines brunes.
La jusquiame pousse dans les régions côtières d’Europe. Elle élit domicile dans des lieux insolites tels que : chemins abandonnés, décombres, terrains vagues, anciens cimetières…
Une fois de plus, la forte odeur vireuse de la plante rappelle ses propriétés mortelles…
A haute dose, la jusquiame induit les mêmes effets que ceux de la belladone : mydriase, prostration, engourdissement des membres, somnolence, ivresse, myosis, délire, convulsion, paralysie, coma et mort.
Cependant, on note quelques différences : bien que la jusquiame soit un toxique comparable à la belladone, elle est beaucoup moins virulente dans ses manifestations bien qu’elle soit plus sédative et hypnotique que cette dernière. Contrairement au délire furieux de la belladone (ce qui lui valu le surnom de morelle furieuse), la jusquiame présente un délire qu’on qualifie de calme.
© Books of Dante – 2009